0 6 minutes 54 ans

Début avril, suite à un article du journal « L’Équipe », la direction de France Télévisions a commandé à un cabinet indépendant une enquête sur la direction des Sports.

Ce jeudi 25 juin, les conclusions de cette enquête ont été présentées oralement, en visioconférence, aux élus du Comité Social et Economique (CSE) du Siège, ainsi qu’aux salariés de la direction des Sports. Une restitution d’enquête qui tardait, mais finalement programmée (comme par enchantement) le jour de la publication d’un article de Mediapart.  

Lors de la restitution du cabinet Interstys, qui affirme avoir mené 115 entretiens au cours de l’enquête, aucun cas individuel n’a été abordé. En revanche, il est clairement décrit une « direction construite sur une culture extrêmement masculine, avec des grandes figures paternalistes, notamment chez les journalistes. Cet entre-soi masculin, associé à un « turn-over » très faible, a enraciné des habitudes, qui ont pu générer des comportements sexistes récurrents mais aussi des clichés sur les femmes et leur prétendue méconnaissance du sport. Une situation délicate qui a aussi perduré en raison de l’inaction de l’encadrement, qui n’intervient que trop rarement ».

L’enquête démontre explicitement que cette « culture hyper masculine, en particulier à la rédaction, a pu rendre difficile, voire impossible, l’intégration de nombreuses femmes ». Et même si de (légers) progrès ont été notés ces dernières années, même si les violences sexistes semblent le fait d’une minorité, d’autres clivages sont mis en évidence : rivalité entre des « jeunes » et des anciens, attitudes hautaines de certains journalistes à l’égard de collègues techniciens ou administratifs, ou encore tensions entre différents « clans » existant au sein de la rédaction.

Le même jour, « Mediapart » a donc publié une longue enquête journalistique titrée « A France Télévisions, le service des Sports est un bastion sexiste ». Sept femmes reporters qui ont travaillé dans la rédaction décrivent en détails la souffrance et les humiliations subies dans le cadre de leur travail. Les élus du SNJ tiennent à leur apporter, ainsi qu’à celles et ceux qui n’ont pas pu s’exprimer, notre plus sincère soutien.

Nous devons rappeler ici que la direction a été alertée à de nombreuses reprises au sujet des difficultés rencontrées par de nombreuses femmes aux Sports. Dès 2013 (!!), nos élus avaient publié un état des lieux : https://snj-francetv.fr/wp-content/uploads/tract-parite%CC%81-2-janvier-2013-OK.pdf 

L’attitude des dirigeants avait alors été consternante puisque cette alerte, et donc la situation de ces femmes, avait été reçue avec mépris. Aucune réponse, aucun plan d’action de la direction des Sports de l’époque ! Déni, défense de l’entre-soi, renforcement du sentiment d’impunité : tout cela pèse terriblement dans le bilan qui est exposé publiquement aujourd’hui.

Deux enquêtes effectuées par des personnes extérieures à France Télévisions confirment donc le constat dressé depuis des années par les représentants des salariés. La direction affirme aujourd’hui prendre « pleinement conscience du problème ». Le directeur des Sports, devant les élus du personnel, s’est même « engagé personnellement à rendre ce service exemplaire ». Nous en prenons acte. Les premières mesures annoncées répondent (enfin !) à une partie des demandes du SNJ : formations obligatoires à la prévention des agissements discriminatoires et sexistes, entretiens professionnels plus nombreux, et sanctions proportionnées quand des faits inadmissibles sont avérés et étayés.

Une réflexion sur l’organisation de la direction des Sports est prévue pour la rentrée. Là encore, le SNJ rappelle les préconisations faites depuis des années :

– permettre l’accès des femmes à tous les types de postes existant à la direction des Sports (il n’y a pas d’emplois réservés aux hommes, y compris dans l’encadrement !) ;

– les recrutements doivent favoriser la mixité, avec des embauches de femmes et d’hommes, permettant de rétablir les équilibres dans la rédaction et de refléter au mieux la diversité sociale de notre société.

Depuis plus de vingt ans, la direction de France Télévisions a commis trop d’erreurs dans ce dossier. Aujourd’hui, c’est une addition très lourde qui est payée par les équipes des Sports. Pour permettre à ces équipes de continuer à remplir leurs missions, dans un climat de travail respectueux de tous, la direction doit agir vite, et en toute transparence. C’est à elle, au moment où les regards réprobateurs sont tournés vers une partie de ses salariés, de prendre enfin ses responsabilités.

Paris, le 26 juin 2020