Pas de “deux poids deux mesures”, pas de règles unilatérales !
Vendredi 21 juin, la direction de l’information de France Télévisions a choisi d’écarter cinq journalistes de la rédaction nationale de la couverture de la campagne électorale en cours.
Cette décision vise les cinq membres élus du bureau de la société des journalistes de France 3 national. Ce bureau a choisi, le 19 juin, de signer un appel « Pour un front commun des médias contre l’extrême droite », appel associant de nombreuses rédactions, associations et organisations de journalistes.
Le SNJ n’a pas signé l’appel, mais partage une grande partie des analyses et craintes qui y sont exprimées.
Nous serons d’ailleurs aux côtés de plusieurs signataires de cet appel, jeudi 27 juin, lors des mobilisations et manifestations pour défendre les libertés publiques, dont la liberté d’informer.
Plus que jamais, le SNJ est déterminé à dénoncer les menaces que fait peser l’extrême droite sur les journalistes et l’information, comme nous l’avions rappelé dès le 13 juin dans un communiqué intersyndical (lire ici).
Le SNJ exprime son soutien confraternel aux cinq collègues visés par cette décision, et souhaite que cette mise à l’écart de l’actualité politique cesse à l’issue de la campagne électorale, en cohérence avec les pratiques de la direction de l’information de France Télévisions.
En effet, la décision prise par la direction de l’information nous heurte sur la forme, et pose plusieurs questions de fond.
Demander à un journaliste de se « mettre en retrait » de la couverture de l’actualité politique reste une décision rare, et généralement précédée d’échanges avec la consœur ou le confrère concerné. Pour les cinq collègues écartés, pas de discussion, pas de réunion, pas d’appel téléphonique : ils n’ont eu droit qu’à un mail couperet avec une décision « à effet immédiat ».
Cet empressement de la direction est d’autant plus malvenu que le bien-fondé de cette décision est loin d’être évident.
La direction explique s’appuyer sur « le guide de principes professionnels en matière de prévention des conflits d’intérêts » (texte de 2021 qu’elle a rédigé seule, et qui n’a pas fait l’objet de négociations avec les représentants du personnel).
Dans ce document, la direction rappelle que chaque salarié a le droit de participer à des activités politiques à titre privé. Mais les salariés qui « contribuent éditorialement à l’antenne » doivent « éviter toute situation qui pourrait jeter un doute sur l’impartialité ou l’indépendance de l’entreprise ».
Dans ce cadre, la direction prévoit notamment d’écarter du suivi d’une campagne électorale les candidats à une élection, les conjoints de candidats, ou ceux qui seraient des « soutiens explicites » à des candidats.
Le SNJ a toujours été favorable à la mise en place de mesures de précaution en période électorale. Elles sont nécessaires afin d’éviter toute suspicion du public. Mais nous regrettons une nouvelle fois que ces mesures et ces « guides » soient rédigés et publiés en dehors de toute négociation avec les organisations représentatives, alors que nos accords collectifs intègrent une charte de déontologie et un chapitre consacré aux principes professionnels des journalistes.
Par ailleurs, la direction assimile aujourd’hui les cinq membres du bureau de la SdJ de France 3 national à des « soutiens explicites à un candidat », en raison de leur signature d’un appel commun de médias et d’organisations.
Cette interprétation est très loin de faire l’unanimité, et renforce un sentiment de « deux poids, deux mesures » dans notre entreprise. Dans tous les cas, cette décision aurait largement mérité un temps de réflexion associant les journalistes concernés.
Aujourd’hui, le SNJ demande à la direction de l’information de recevoir les organisations syndicales représentatives, le 28 juin au plus tard, afin d’expliquer aux représentants du personnel pourquoi et comment une telle décision a été prise.
Le SNJ exige également, dans les plus brefs délais, un recensement de tous les textes (charte des antennes, guide des réseaux sociaux, guide des principes professionnels…) encadrant la liberté d’expression des salariés et leur examen dans le cadre de négociations avec les syndicats, au niveau de l’entreprise. Cette discussion de fond doit, selon nous, intégrer une réflexion sur l’activité des éditorialistes politiques.
Paris, le 24 juin 2024