La Justice vient de le confirmer : la direction de France Télévisions a fait preuve d’un management brutal et illégal, à la rédaction de France 3 Dijon. Dans un jugement définitif, rendu en décembre 2023, le conseil des prud’hommes condamne l’entreprise pour le licenciement d’une journaliste.
En 2020, notre consœur avait refusé de signer un avenant humiliant à son contrat de travail, qui l’écartait de l’encadrement de la rédaction.
La direction de France 3 Bourgogne Franche-Comté avait évoqué « un niveau de compétence insuffisant pour être rédactrice en cheffe adjointe » pour justifier le licenciement de la journaliste. La Justice apporte un démenti cinglant à ces allégations : la journaliste “était en droit de refuser cette modification du contrat de travail “, car l’employeur n’avait pas fait état “de griefs pertinents, matériellement vérifiables et susceptibles de perturber la bonne marche de l’entreprise ou d’être préjudiciable aux intérêts de celle-ci”.
Le conseil des prud’hommes pointe aussi une forme de discrimination par l’âge, en motivant son jugement ainsi : “considérant l’âge et l’ancienneté, le conseil requalifie la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle ni sérieuse”. Il s’agit de la formulation juridique du licenciement abusif.
Des années de travail acharné
Pendant une dizaine d’années, notre consœur est “chef info web”. Son travail acharné contribue à faire du site internet de France 3 Bourgogne Franche-Comté un des plus suivis du réseau régional. Elle ne compte pas ses heures pour alimenter le site, former et encadrer la rédaction de Dijon.
Pourtant, la direction décide qu’elle ne fait plus l’affaire. Alors que tous les “chefs info web” se voient proposer au minimum un contrat de rédacteur en chef adjoint, notre consœur est sommée d’accepter un avenant qui l’écarte de l’encadrement.
Elle continue d’assumer pleinement son travail de journaliste, tout en refusant de signer cet avenant, malgré des mois d’injonctions, de pressions et de manœuvres.
C’en est sans doute trop pour la direction et la DRH, qui lancent une procédure de licenciement. Aucune faute professionnelle à lui reprocher ? Qu’importe : on met à la porte une salariée, qui a plus de 30 ans d’ancienneté, parce qu’elle refuse d’être déclassée et humiliée.
La direction pousse le cynisme jusqu’à propager la rumeur que le licenciement est un souhait de la salariée, une sorte de prime au départ à la retraite anticipée !
À l’annonce de son licenciement en octobre 2020, les salariés de France 3 Bourgogne Franche-Comté se mettent massivement en grève pour manifester leur émotion et leur soutien.
Indigne d’une entreprise du service public
Outre les indemnités, majorées en raison du licenciement abusif, le conseil des prud’hommes condamne France télévisions à rembourser à Pôle Emploi l’équivalent d’une partie des indemnités chômage. Une manière de sanctionner l’entreprise pour avoir fait peser sur la collectivité la charge du licenciement d’une salariée “sénior”.
Tout au long de ces quatre années, et jusque devant le conseil des prud’hommes, notre consœur a pu compter sur le SNJ (le syndicat était intervenant volontaire dans la procédure) pour la soutenir et l’accompagner. Nous saluons sa détermination et son courage face à la profonde injustice qu’elle a subie.
Ces méthodes indignes méritaient une condamnation sans équivoque : c’est fait. Quant à la direction de France télévisions, qui proclame si souvent son devoir « d’exemplarité », saura-t-elle un jour comprendre qu’il est inadmissible de gérer ainsi les moyens du service public ?
Paris, le 11 mars 2024