Les rédactions de France Télévisions peuvent, et doivent, reprendre une activité quasi-normale dès la semaine prochaine. La direction fait du zèle, mais l’information de service public n’a pas à suivre sagement le tempo politique du gouvernement.
Début avril, dans la foulée de l’allocution du président de la République, la direction de France Télévisions a choisi de « confiner » l’info. Si la protection des salariés est l’absolue priorité, il nous semblait possible de mettre en place des mesures sanitaires renforcées sans dégrader à ce point l’offre d’information, notamment dans le réseau régional France 3.
L’attitude de la direction laisse entrevoir les pires scénarios pour l’entreprise, entre suppressions d’emplois, casse des métiers et disparitions de rédactions.
Les journaux communs « grandes régions » (une aberration éditoriale) devraient se poursuivre jusqu’au 10 mai au moins. Pour les équipes de France 3, c’est l’incompréhension : les antennes peuvent parfaitement s’organiser pour tourner avec les mesures sanitaires nécessaires.
Or, avec ce système de « journaux grandes régions », les couacs se multiplient, avec de nombreux exemples d’actualités non couvertes, surtout lorsque ces événements ont lieu dans l’antenne qui ne pilote pas le JT du jour.
Le contenu de nos éditions est parfois affligeant, la hiérarchie de l’information incompréhensible ou inexistante. Les sujets sont sans intérêt pour une grande partie des téléspectateurs, car tournés à des centaines de kilomètres de chez eux. On est loin de la promesse éditoriale de proximité.
Pourquoi ne pas avoir maintenu des éditions d’information par antenne, quitte à ce que des sujets mutualisés soient intégrés dans les conducteurs ? Pourquoi maintenir aussi longtemps une offre dégradée, alors que nous entrons dans une période électorale avec des régionales et des départementales ?
Pourquoi, si ce n’est pour habituer les salariés et notre public à l’affaiblissement définitif de l’information de proximité ?
Les équipes de reportage ne peuvent remplir leur mission d’information, faute de temps d’antenne disponible pour l’actualité de leurs régions. Un immense gâchis. Hélas, certaines directions régionales annoncent déjà le prolongement des journaux grandes régions pendant l’été ou pendant les week-ends, confirmant ainsi la volonté première de faire surtout des économies.
L’incohérence est tout aussi flagrante pour les sites web. Dans certaines rédactions, jusqu’à 10 journalistes se voient planifiés sur le numérique. Simplement pour remplir les tableaux de service. Parce qu’en télétravail, sans matériel adapté, sans les applications indispensables, parfois sans formation, il est difficile de travailler. Quel manque de considération pour le développement du numérique !
Au Siège, les conditions de travail imposées par la direction posent aussi question. Régie et plateau communs aux JT de France 2 et France 3 resteront la règle jusqu’à mi-mai. Une organisation qui rend très complexe l’enchaînement des plateaux, dans le respect des règles sanitaires.
« Tout le Sport », le JT quotidien des sports sur France 3, est diffusé en version très dégradée. Plus d’accès au plateau, pas de régie disponible, c’est donc une bobine assemblée vers 19h00 qui est programmée à 20h45, avec enregistrement des lancements du présentateur en milieu d’après-midi !
Les équipes font du mieux possible mais ce dispositif n’est pas adapté à l’information sportive. Nous sommes régulièrement en retard sur l’actu : « Tout le Sport » doit revenir en direct au plus vite.
Dans les stations ultramarines, notamment à la Réunion, en Guadeloupe et en Guyane, le nombre d’arrêts de travail a fortement augmenté. Les échanges sont difficiles entre cadres et équipes opérationnelles. Les ordres, suivis de contre-ordres, les réformes, entreprises sans aucune concertation avec le personnel, déstabilisent les équipes et augmentent considérablement les risques psychosociaux.
Partout dans l’entreprise, le travail à domicile a trop souvent été imposé, parfois au-delà du raisonnable.
La démotivation, l’incompréhension et la détresse psychologique de certains salariés sont des signaux d’alerte graves, qui devraient être pris en considération. Et le choix de la direction de multiplier RTT et récupérations pour accompagner cette baisse d’activité accentue encore l’isolement de tous.
La crise sanitaire a permis à la direction d’aller bien au-delà de la « maîtrise » de la masse salariale : plus de 15 millions d’euros d’économies en 2020 dont 11 millions pour le réseau régional !
La direction semble s’en réjouir. Pas nous. Parce que ces économies touchent d’abord de plein fouet les plus précaires, CDD et pigistes. Parce qu’elles sont inquiétantes aussi pour l’avenir de notre entreprise et de tous nos emplois.
Aujourd’hui, il faut nous donner les moyens de concilier prudence sanitaire et offre d’information à la hauteur de notre mission. Des choix d’organisation dans le respect des mesures sanitaires doivent permettre à nos rédactions de travailler quasi-normalement dans les prochains jours.
L’information en mode dégradé ne peut pas être le projet d’entreprise de France télévisions. Il est urgent de déconfiner l’info !
Paris, le 30 avril 2021