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Quand on veut sabrer France 3, on met en place une révolution à l’antenne : liquider les éditions nationales de France 3 pour soi-disant revenir aux sources et renforcer ses antennes régionales. La force du réseau.

Mais le projet ICI entraîne des conséquences humaines et éditoriales dévastatrices.

Après une tournée des régions à coup de “vous aurez la pleine maîtrise éditoriale de vos tranches”, “Paris mettra à votre disposition quotidiennement des reportages de différents formats,” “des ETP viendront en renfort afin de répondre à la surcharge de travail”, les responsables de cette réforme, la direction de l’information du réseau et la direction de France Télévisions abattent leur jeu. Fini le bluff.

Décryptage.

France 3 Paris IDF : le naufrage éditorial

Faute de moyens supplémentaires, ici comme partout ailleurs dans le réseau, on fait avec le système D. Résultat : pour « combler » le ICI 19/20, on multiplie les plateaux, les décryptages. Sur le planning, le même nombre d’équipes, mais à l’antenne, moins de reportages. Pourquoi ? Parce que ordre nous est donné de diffuser les informations nationales et internationales à 19H45. Les conducteurs de nos JT ne sont plus établis en fonction de la hiérarchisation de l’information et de la cohérence de l’édition, mais d’un carcan imposé.

Exemple 1 : 5 reportages frais et des dossiers au marbre. Conséquence : obligation d’en supprimer un sinon l’info nationale ne commence pas à 19H45 !

Exemple 2 : Samedi 7 octobre. Guerre en Israël. Déjà des centaines de morts et des milliers de blessés. Consigne identique : un titre et rendez-vous à 19H45. Résultat à F3 PIDF, le reportage consacré à l’attaque du Hamas est passé à 19h46, soit 5 minutes avant la fin du JT… et après 7 minutes d’interview culture, 3 minutes de sport… Quel naufrage éditorial ! Quel manque de respect pour les victimes et nos téléspectateurs.

Et que dire des reportages que nous n’avons pas le temps de voir avant leur mise à l’antenne faute d’être livrés plus tôt, des chroniques santé récurrentes dont l’angle est déjà abordé dans nos reportages régionaux, des dossiers de 3’30, imposés et fournis quotidiennement en complet décalage avec nos JT ?

Des longs formats de 7 minutes censés être à notre disposition… Jusqu’à ce coup de fil le 10 septembre dernier au rédacteur en chef, à une heure de l’antenne le sommant de le diffuser. Le chroniqueur sport, maquillé, qui avait préparé toute la journée sa chronique, a été prié de rentrer chez lui.

Un long format consacré aux “coulisses du Roi lion” lors du premier week-end de guerre en Israël, à diffuser juste avant la partie nationale et internationale.

Des monteurs en passant par les scriptes, OPS et les journalistes, tout le monde était effaré. ÇA SUFFIT !

Ce mille-feuille low cost incohérent et dangereux pour l’avenir de notre antenne régionale, nous n’en voulons plus. Les rédacteurs en chefs régionaux doivent avoir la pleine maîtrise éditoriale de leurs éditions. Ce ne sont pas des cases horaires qui doivent dicter la conduite de nos JT, mais la hiérarchisation de l’information. Les dossiers fournis avec une semaine d’anticipation afin de les programmer en respectant la cohérence de nos conducteurs.

France 3 Paris IDF : des personnels à bout de souffle

Scriptes en burn out qui fondent en larme au énième bug d’Open Media. Amplitude journalière de 11 heures pour les responsables d’édition, les présentateurs, les RCA, les scriptes.

Pour tous ces salariés, travailler sur le JT, c’est désormais, en plus des tâches effectuées jusqu’à présent : guetter les alertes mail d’ICI, les alertes Teams, les versionning (différentes versions), alerter tous les personnels concernés, jongler avec les durées fluctuantes des éléments fournis par les rédacteurs en chefs nationaux comme, par exemple, se retrouver avec une minute en plus ou en moins à 5 minutes de l’antenne.

Annuler 2 JT à un mois d’intervalle, dont le 13 octobre dernier (attentat Arras, guerre Israël…), parce que le conducteur dans Open Media a soudainement été vidé à quelques minutes de l’antenne. Un dysfonctionnement majeur qui prive à nouveau les 12 millions d’habitants de la région parisienne de leurs informations. C’est pourtant notre mission de service public.

D’antenne régionale à part entière, le déménagement nous a transformé en service régional du siège. En quatre ans, nous avons perdu près de la moitié de nos effectifs, une salle de montage, une salle de mixage, un plateau, le contrôle de nos moyens de fabrication et plusieurs milliers de mètres carré.

Quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage, mieux, on lui inocule !

Paris, le 19 octobre 2023