“L’information n’est pas une opinion” : le slogan de Franceinfo s’affiche partout, des spots publicitaires à l’application mobile. À France Télévisions, on fait de l’info juste, on débusque les fake news et on est mû par le sens du service public : nos dirigeants le rappellent régulièrement. Malheureusement, la direction ne craint pas de se contredire !
Depuis la rentrée, deux anciens chroniqueurs de CNews officient le week-end sur Franceinfo TV, dans l’émission « Le Pour et le Contre ». Ici, l’information est réduite à la portion congrue, la place des journalistes également, alors que l’opinion est centrale.
Ces dernières semaines, en plateau, les téléspectateurs ont pu entendre l’académicien Jean-Marie Rouart, qui voit dans la justice ayant condamné Nicolas Sarkozy “une caste néfaste pour la démocratie”. Ou encore le philosophe Michel Onfray, qui “fait son deuil d’une France à l’ancienne” et “d’un monde judéo-chrétien” en raison du “grand remplacement”.
Interrogée au sujet de cette émission en instance de proximité, la direction répond que “venir de CNews n’est pas forcément une tare” et que Franceinfo TV se doit d’être la chaîne du pluralisme. Mais le pluralisme, ce n’est pas ouvrir le micro à des personnalités qui ne représentent qu’elles-mêmes, sans expertise particulière sur le sujet choisi, et les laisser dérouler un discours souvent douteux.
Nos textes déontologiques de référence sont clairs : les journalistes doivent veiller “à ce que la diffusion d’une information ou d’une opinion ne contribue pas à nourrir la haine ou les préjugés”. *
Et quel pluralisme y a-t-il à mettre en plateau deux chroniqueurs venus d’une même chaîne, qualifiée “d’extrême droite” par notre PDG ? Quel pluralisme peut exister dans un débat entre deux essayistes d’accord sur à peu près tout ?
Comment les invités du “Pour et [du] Contre” sont-ils choisis ? Pourquoi sont-ils interrogés sur l’actualité politique et sociale du moment, quand, parfois, rien dans leurs fonctions ne le justifie ? Mystère.
Ils ont en tout cas trouvé dans l’émission un lieu où leur opinion a libre cours pour s’exprimer, sans qu’une contradiction journalistique ne leur soit apportée, ou trop rarement. Face à eux, ce sont en effet les chroniqueurs qui mènent l’interview, alors que la direction confirme qu’ils n’ont pas été embauchés comme journalistes.
Malheureusement, le naufrage de l’information ne s’arrête pas là. Sur X, l’émission donne lieu à de multiples reprises vidéos, réalisées par des prestataires du service réseaux sociaux, mais décidées par les deux chroniqueurs.
Ces courts extraits favorisent les phrases chocs sans toujours expliquer aux téléspectateurs qu’il s’agit d’opinions d’invités que FTV ne reprend pas à son compte.
Ainsi, lors du passage de Michel Onfray, l’expression raciste et complotiste “grand remplacement”, véhiculée par l’extrême droite, est employée dans un message sur X sans guillemets, comme une vérité incontestable.
Banaliser ces thèses en s’abritant derrière le respect du pluralisme est un choix éditorial grave, que nous refusons d’accepter. Examiner ces théories et interpeller leurs propagandistes peut bien sûr s’envisager, mais dans un cadre plus rigoureux et avec la remise en perspective nécessaire.
Face aux attaques et dénigrements organisés contre le service public ces derniers mois, il est indispensable de ne pas céder au grand n’importe quoi !
Le combat du SNJ a toujours été de garder le cap en faisant ce que nous savons faire : de l’information. La direction de France télévisions serait bien avisée d’agir aussi dans ce sens.
Pour le respect de la qualité de l’information, dès le 6 novembre, je vote SNJ !
Paris, le 27 octobre 2025
*extrait de la Charte mondiale d’éthique des journalistes de la Fédération Internationale des Journalistes (FIJ)
