Aujourd’hui, dans de nombreuses rédactions, la pratique du journalisme est souvent abîmée, hélas, par le manque d’anticipation et par le « remplissage » qui doit le compenser !
Dans les rédactions nationales, le fléau s’appelle « sujet en kit ». Les reporters sont transformés en journalistes prestataires de services, fournisseurs d’éléments, pour des « plumes » qui ne sortent pas de leurs salles de montage, sous le regard d’un encadrement pléthorique.
Mais au-delà de ces dérives professionnelles, il y a un contexte social qui nous inquiète.
Depuis plusieurs mois, nous assistons à une offensive majeure de la direction, qui s’attaque à notre profession. Elle tente par exemple, en vantant « de nouveaux horizons et de nouvelles pratiques », de faire passer un texte global sur les unités de compétences complémentaires (UCC) qui s’appliqueraient à France Télévisions.
Les compétences complémentaires, le SNJ y est favorable, quand elles sont encadrées et qu’elles représentent un progrès. Nous sommes signataires des textes qui ont permis à des journalistes rédacteurs de suivre une formation JRI, et inversement. Tout comme nous avons accompagné les reconversions professionnelles, souvent couronnées de succès, de PTA vers le journalisme, quand elles se font avec une formation sérieuse et conséquente.
Mais le texte sur les UCC inspire la méfiance : il s’agit d’une casse organisée, motivée par l’obsession de la direction de faire plus avec moins de salariés. L’objectif : supprimer un maximum d’emplois, en créant des fonctions hybrides qui permettent à des salariés sans carte de presse, mais avec des compétences éditoriales acquises à la hâte, de remplacer les journalistes.
Une menace qui plane notamment sur le réseau régional France 3, où la direction souhaite généraliser les unités de tournages avec smartphones (UTS), là encore, pour semer la confusion entre journalistes et « contributeurs ».
Le journalisme est en danger à France Télévisions car la direction enchaîne les projets décevants, où les économies font office de boussoles.
Dernier exemple révélateur : la régionalisation de France 3, qui devrait être un projet essentiel, soutenu par des investissements, aboutit finalement à la mise à l’antenne d’un 18h30 indigent.
Autre sujet d’inquiétude : les conditions de travail imposées aux journalistes du web. Nous refusons que ces rédactions soient des rédactions low-cost.
Impossible de conclure cette liste sans évoquer la renonciation sociale que représente chaque départ non remplacé. Nous les subissons aujourd’hui avec la rupture conventionnelle collective, que le SNJ avait refusé de signer, mais bien avant aussi.
Cette obsession des soustractions d’emplois a des conséquences terribles : transfert scandaleux de rédactions entières* à une filiale, effectifs insuffisants des rédactions des réseaux régionaux et ultramarins, manque de moyens dans certains services de la rédaction nationale, CDD « gelés » partout…
Réunis en assemblée générale, le vendredi 9 avril 2021, les adhérents du SNJ France Télévisions mandatent leur Bureau National pour mettre tout en œuvre, au quotidien et pendant les négociations en cours, pour protéger notre profession et sa pratique.
Nous ne sommes pas des salariés interchangeables de l’audiovisuel. Nous sommes des journalistes, des techniciens et des administratifs, qui dans le respect de nos métiers et de nos spécialités, participons tous à la défense des valeurs du Service Public.
Paris, le 9 avril 2021
*(« Thalassa », « Faut Pas Rêver », « Télématin », « Passage des Arts » et « Des Racines et des Ailes »)