
Communiqué intersyndical CFDT / CGT / FO / SNJ
Madame la Présidente,
Vous avez réuni les organisations syndicales représentatives le 9 juillet 2025 pour leur annoncer votre décision de dénonciation de l’accord collectif. Aucun débat, aucune discussion, juste une décision brutale, entérinée à l’emporte-pièce dès le 10 juillet en Conseil d’Administration et notifiée aux organisations syndicales représentatives le 11 juillet 2025.
Au-delà de la méthode particulièrement brutale de votre action, nous contestons les arguments de fond invoqués dans votre courrier.
En effet, vous affirmez que « notre secteur audiovisuel connaît depuis des années des transformations profondes que France Télévisions a su embrasser pour s’adapter et gagner en puissance. Le groupe reste le premier média et la première source d’information des Français. Nous avons épousé la révolution des usages. » Nous souscrivons à cette affirmation, ce qui prouve bien que nous ne sommes pas aussi décrochés que vous le laissez entendre.
Oui de nouveaux métiers apparaissent et lors du lancement du nouveau cycle de négociation sur les métiers en janvier 2024, nous avions demandé à négocier en priorité les métiers du numérique, ce que la direction n’a pas accepté. Pour une urgence, cela pose question.
Sur la « performance collective de France Télévisions », vous avez vous-même exprimé lors de votre conférence de presse de rentrée du 7 juillet que de 2012 à 2025, les ressources publiques de France Télévisions étaient restées stables et que cela signifiait un gain de productivité de 25 %, donc une performance collective importante. Quant au problème d’attractivité, la modération salariale à l’œuvre depuis dix ans, c’est-à-dire depuis votre arrivée à la tête de France Télévisions, y est pour beaucoup.
Oui la révolution des usages est en marche, oui il y a des bonds technologiques en cours et de nouveaux métiers qui apparaissent. Nous sommes prêts à les négocier, mais sereinement et loyalement et certainement pas le « couteau sous la gorge ». Nous vous invitons d’ailleurs à regarder du côté de l’accord de branche et de la CCNTJ la définition des métiers (que nous devrons appliquer à défaut) à laquelle nous serons soumis faute d’accord signé avant le terme du délai de survie de ce dernier. Il n’est pas sûr que France Télévisions y trouve son compte.
Par ailleurs, nous n’avons pas l’intention de nous laisser instrumentaliser sur les soi-disantes « aspiration, des plus jeunes, que ce soit en termes de rythme et de modalités d’exercice de l’activité, d’équilibre personnel, de formation et de juste reconnaissance des efforts. » Ce point de vue, empreint d’idéologie néolibérale, n’est pas la réalité. Les jeunes sont comme tout le monde, à la recherche de perspectives, d’épanouissement professionnel et de stabilité, mais dans un monde où cela est effectivement devenu plus difficile et notre entreprise a un rôle à jouer dans cela sans déréguler à tout-va les choses.
Enfin, il semblerait que vous ayez l’ambition de vouloir renégocier notre accord collectif « dans son intégralité » car « seul l’examen de l’ensemble des paramètres de l’accord permettra de poser les bases d’un nouveau contrat social France Télévisions. » Et tout cela en à peine vingt mois compte tenu de votre choix déloyal de ne commencer de négocier que début 2026. Cette position est de votre part totalement irresponsable et une insulte aux négociateurs de 2013, compte tenu du temps qu’il a fallu pour aboutir à un compromis. A moins qu’il ne s’agisse de ne pas véritablement négocier, mais de mettre très rapidement à signature un texte à prendre ou à laisser, ce qui encore une fois serait la marque d’une grande déloyauté dans la négociation de votre part.
Sur la forme, nous avons bien pris note des précautions juridiques dans votre courrier qui semblent avoir été soigneusement pesées. Mais selon nous, la procédure souffre d’un certain nombre d’irrégularités.
Vous avez tout d’abord fait le choix de laisser la charge d’assumer la responsabilité et la prise de cette décision à votre Conseil d’Administration. C’était parfaitement votre droit.
Toutefois, le Conseil d’administration aurait alors dû prendre cette décision conformément aux règles applicables, ce qui n’a pas été le cas. En effet, l’examen de cette décision n’était par exemple, pas à l’ordre du jour de la réunion du Conseil d’administration. Elle a donc été soumise de manière abrupte et imprévue. Ce modus operandi a pris de cours l’ensemble des administrateurs, l’un d’entre eux qui était absent et avait délégué son vote à une autre administratrice a dû le faire rectifier à distance en fin de réunion et postérieurement à sa prise en compte dans un sens inverse, ayant été prévenu de ce vote inopiné et ayant donc signifié sa désapprobation.
Cette délibération du Conseil d’Administration ne nous semble pas conforme et entache en conséquence sa validité et donc la dénonciation opérée.
Par ailleurs, la direction a cru bon ne pas informer et consulter les CE/CSE et le CSEC de FTV sur les impacts de la dénonciation de l’accord collectif d’entreprise. L’employeur aurait dû consulter les instances avant de signifier sa décision aux organisations syndicales représentatives signataires. En effet, personne ne peut nier que cette dénonciation d’un accord de 350 pages obtenu après 4 ans de négociation et qui régit la vie professionnelle de plus de 8 800 salariés depuis 12 ans n’aura aucun impact sur leurs conditions de travail.
Nous avons l’habitude de voir la direction minimiser les impacts de ses projets d’entreprise, mais pas à ce point. Votre empressement est une chose, mais le respect des règles est impératif.
Enfin, nous voyons un décalage entre les intentions affichées par la direction dans son courrier « Afin d’assurer l’aboutissement des travaux dans les délais impartis, les négociations débuteront le plus rapidement possible » alors que la notification de la dénonciation a été faite le 11 juillet et que la première réunion « d’échange » n’est prévue que le 24 septembre sur une demi-journée soit déjà plus de deux mois de perdus. Il s’agit pour nous d’un flagrant délit de déloyauté. Vous avez également évoqué lors de vos rendez-vous avec les organisations syndicales représentatives un début de négociation début 2026, ce qui nous ferait perdre plus de six mois de négociation sur un maximum de 27 mois, ce qui renforce notre sentiment à ce sujet.
En conséquence, nous vous demandons de prendre acte que la dénonciation annoncée doit être privée d’effet en raison de ces diverses carences. Nous souhaitons poursuivre le travail sérieux et exigeant de révision de l’accord collectif, ce que nous faisons continuellement depuis 12 ans.
Dans l’attente de pouvoir échanger avec vous de vive voix, nous vous prions d’agréer, Madame la Présidente, l’expression de nos salutations distinguées.
Les organisations syndicales CGT, CFDT, FO et SNJ