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Un plan d’urgence qui évitera la noyade ?

Suite au dépôt de la saisine commune des organisations syndicales du Réseau régional concernant les dégradations des conditions de travail des salariés liées au déploiement des éditions Ici dans le réseau, la direction a présenté le 12 octobre un début de plan « d’urgence ».

Plan que l’intersyndicale, disons-le d’emblée, estime à ce stade largement insuffisant, pour une raison toute simple et pointée, déjà, il y a des mois : le manque de moyens.

Un manque de moyens flagrant

Le réseau supporte une charge de travail supplémentaire depuis septembre que les 60 ETP n’ont largement pas compensé et qui pèse lourdement sur les salariés du réseau, plus spécifiquement sur la filière édition, les présentateurs et les encadrants. Sans oublier les personnels techniques des régies dont les conditions de travail se sont aussi dégradées ainsi que nos collègues monteurs.

Les témoignages des salariés exposés pendant cette saisine sont en ce sens saisissant :  stress, fatigue, perte de sens au travail, qualité empêchée, trous de mémoire, troubles de la vision, insomnie, paraphasie. Autant de troubles psychosociaux dont la direction ne semble pas vraiment prendre la mesure.

La direction fait des propositions pour les scriptes…

Alors, oui, la direction a mis sur la table une proposition concrète. Enfin a priori.  La mise en place d’un atelier par antenne dès octobre, pour « remettre à plat l’organisation des scriptes » sur 4 jours. Via Une revue des planifications, des rôles et des responsabilités de chacun sur l’édition serait faite. Un bilan en serait tiré en janvier. Ce qui laisse à penser que la semaine des quatre jours pourrait être généralisée pour ces derniers dès 2024.

Sachant qu’elle existe déjà dans certaines antennes, et que tout le reste est au conditionnel, on est loin d’une révolution.

En attendant, on ne touche pas à la planification actuelle des scriptes quand elle fonctionne. Encore heureux. 20 antennes sur les 23 resteront jusqu’à Noël à 2 scriptes le weekend et 2 ou 3 en semaine. Là où par contre « ça ne fonctionne pas », ce sera au cas par cas (ben voyons), avec ventilation des 9 ETP (sur les fameux 60, souvenez-vous) que la direction s’était gardée sous le coude. Là encore, cela semble bien faiblard.

Les autres mesures concernant les scriptes sont pour le moins fantaisistes : un travail sur le vivier (depuis combien d’années alerte-t-on la direction sur ce problème ?), la création d’un pool de scriptes non planifié.e.s pour remplacer au pied levé (Qui ? Quand ? Comment ? Mystère), faire appel aux scriptes retraité.e.s en renfort et pour les formations, des synthés « brulés » pour les sujets du natio. Là, on rigole presque.

Sortez les rames.

… et pour les autres métiers de la filière édition ?

Les présentateurs de midi obligés de lancer les ¾ de leurs sujets sans les avoir vus ? Se sentant plus animateur que journaliste ? Ceux du week-end obligés de présenter seuls 40 minutes de journal avec des amplitudes de 8h15 à 20h15 ? « C’est comme sortir d’une centrifugeuse, je sors secoué ». Et que dire du rabotage de la vie privée, de la vie sociale ? Insidieux, récurrent, usant.

Les chefs d’édition perdent la tête à force de versioning, de canaux de transmissions multiples (Newsboard, Teams, mails, Whats app), de journées longues et éreintantes 8h45 – 20h15 « aujourd’hui je suis particulièrement découragé, je ne pense pas avoir les aptitudes à poursuivre la fonction de chef d’édition. » Qu’est-il prévu pour eux ? « Un envoi des sujets plus tôt« . « Si possible » ajoute la directrice de l’information régionale. Personne n’y croit plus. Les équipes de coordination d’Ici sont, depuis le 5 septembre, « bien conscientes du problème » sans que quoique ce soit ait été fait en ce sens.

Les encadrants, eux, se voient imposer des dossiers obligatoires dans leur tranche régionale sans rapport aucun avec leur conducteur. Ils se font désormais rappeler à l’ordre en cas de non-diffusion. Elle est belle l’autonomie des régions.

Que dire aussi des journalistes qui enchainent les vacations atypiques pour quoi ? Faire des plateaux, des hubs, des directs, assurer des duplex. Du blabla plutôt que du reportage de terrain. Il faut combler les trous à tout prix. Quitte à ne plus être en accord avec nos valeurs.

La perte de sens est flagrante pour beaucoup de journalistes : on constate une grosse déprime dans la filière reportage ; le journalisme « d’annonce » est désormais institutionnalisé depuis Tempo, avec un défilé d’invités plateau qui viennent vendre un congrès ou un livre, sans parler des sujets météo ou conférences de presse. Preuve s’il en est du manque de moyens pour réaliser ces éditions.

À cela, aucune solution. Ce n’est pas l’urgence, comprenez-vous. Quelques pistes sont avancées, des rustines.

  • Pour le ICI 19/20 : un accueil de tranche fait par le journaliste de la locale ou un PAD (type bande annonce) pour retarder l’arrivée en régie de 15 mn. Dommage ce n’est pas le soir que ça coince, mais le midi.
  • Une « intégration » des sujets du national dans le conducteur le plus tard possible pour limiter les mises à jour. La direction ne sait pas encore comment.
  • La création d’un poste de cadre technique en charge de la coordination au siège pour sécuriser l’envoi des sujets. 
  • Pour les congés de fin d’année : une offre interrégionale de 14 jours. Chaque région produirait un reportage de 10mn (synthés brulés). Offre qui « ferait écho à tous les territoires ». Un dix minutes ? Un sujet, un dossier, un magazine ? Avec quels moyens ? Et quelle pertinence pour les autres régions ? L’éditorial va se prendre, encore, gageons-le, un bon gros coup de rame.
  • Une GPEC sur les métiers de l’édition. Créer un métier hybride entre le chef d’édition et le scripte. On ne voit pas vraiment l’intérêt.
  • Une réflexion sur une nouvelle organisation des rédactions et la délégation administrative du planning des journalistes.

La discussion sur les 4 jours reste dans le cadre de l’accord collectif, tous les salariés au forfait jour y sont de facto exclus. La direction met en avant la possibilité de leur attribuer des récupérations. L’outil MonKiosque ne permet pas de saisir la durée effective du travail pour ces derniers, seulement les amplitudes. Il n’est pas « paramétré en ce ce sens ». Comment faire pour avoir une réelle traçabilité ?

Et les technicien·nes ?

Pas grand-chose à ce stade même si le directeur du réseau régional a affirmé qu’ils et elles étaient aussi concerné·es par les aménagements de la semaine de 4 jours. Une nécessité au vu des amplitudes horaires actuelles, nous y veillerons.

Anatomie d’un naufrage en cours

L’intersyndicale s’étonne que malgré un rapport d’expertise accablant sur les risques de la mise en œuvre de Tempo et malgré nos nombreuses mises en garde, nous en soyons encore Là avec Ici. Sous l’eau.

Tout cela est la démonstration, la preuve, que le projet n’était pas prêt à être déployé. Tous les risques mis en avant par les élus des CSE se réalisent les uns après les autres. Et la situation s’aggrave chaque jour. Des JT ne peuvent avoir lieu faute de capacité de recours aux scriptes. Des émissions de programme sont annulées dans certaines antennes pour « sauver le soldat Ici ». 

Selon le document de la direction, il manque 1260 jours de scriptes pour pouvoir assurer l’ensemble des éditions d’ici la fin de l’année. Comment une telle gabegie a-t-elle été possible ?

La direction s’engage à harmoniser les indemnités de défraiements des non permanents au même titre que les CDI pour que les contrats deviennent plus attractifs. Oui mais à quelle échéance ? Pas de réponse concrète de la direction.

Ce plan d’urgence ressemble fort à une compilation de rustines élaborées, à la va-vite, devant le naufrage annoncé et la suppression en chaîne de JT dans le réseau, faute de moyens supplémentaires. Décevant et illusoire. Les échanges, suite à la saisine, ne sont donc pas à la hauteur des problématiques et du mal-être généralisés.

La direction générale de l’entreprise est restée droite dans ses bottes pour imposer le déploiement de Tempo au 4 septembre. Elle doit prendre conscience qu’elle doit agir vite et fort et protéger surtout la santé des salariés.  

Aujourd’hui, tout nous incite à demander l’arrêt définitif du projet.

Paris, le 17 octobre 2023