En portant son projet Tempo, la direction de France Télévisions avait clairement établi sa cible : les éditions nationales de France 3. Et pour faire passer cette suppression brutale, elle a tenté de nous faire croire que c’était au profit d’une régionalisation de France 3. Or, au fur et à mesure que le projet se concrétise, on voit bien que c’est tout le contraire qui se profile.
Dans le séquençage des nouveaux JT de la rentrée, désormais appelés « Ici midi » et « Ici soir », il s’agira donc d’empiler le soir une tranche locale à 19h06, puis la partie régionale à 19h13, et enfin le national et l’international en toute fin d’édition.
Autant dire que ce déroulé n’aura pas de cohérence sur le plan éditorial, sans hiérarchisation de l’information en fonction des territoires, sans porter la moindre attention à ce qui concerne ou pas nos téléspectateurs.
Le morceau de bravoure sera d’enchainer un sujet plus léger, qui conclut généralement nos journaux régionaux, avec la partie nationale et internationale, souvent plus grave.
Le bon vieux « sans transition » risque d’être la formule consacrée pour tenter de passer de la fête de l’aligot-saucisse à la guerre en Ukraine. Mais comment ?
La direction a tellement voulu tuer les éditions nationales qu’il ne s’agit surtout pas de les ressusciter sous une quelconque forme. Elle ne veut pas de jingle pour marquer ce passage. Il est même formellement interdit au présentateur de donner l’heure pour éviter de marquer ce moment à l’antenne. Vaste hypocrisie !
Et comme la France est toujours dominée par l’esprit jacobin, les régions n’auront pas complètement la main sur les sujets nationaux et internationaux, les chroniques et les dossiers envoyés depuis Paris. Un bloc de 10-15 minutes, fabriqué par France 3 Toutes Régions pour l’actu froide, ou par IV3 pour l’actu chaude.
Il y aura des obligations pour les 24 stations régionales de France 3 de passer certains sujets. Tiens donc : les rédacteurs(trices) en chef ne seraient pas capables de faire eux(elles)-mêmes ces choix éditoriaux ? Quel mépris ! Inversement, les stations régionales exigeaient-elles le passage de certains de leurs sujets dans les éditions nationales ?
Mais la fausse régionalisation ne s’arrête pas là. L’argument avancé par la direction sur les horaires de chaque tranche est la cerise sur le gâteau. Selon elle, plus on se rapproche de 20h00 ou de 13h00, plus il y aurait du monde pour suivre les éditions. C’est ainsi qu’elle justifie le début des JT à 12h25 et 19h13, plutôt qu’à 12h00 et 19h00 jusqu’à présent.
La direction privilégie ainsi l’information nationale et internationale en la plaçant en toute fin de journal, pour qu’elle soit la plus regardée. Et tant pis si les territoires, notamment d’outre-mer, où ce séquençage est déjà en place, ont apporté la preuve que les téléspectateurs éteignent leur TV quand la partie nationale arrive.
Donc oui, Tempo sera tout sauf une régionalisation. D’ailleurs, les stations régionales de France 3 n’en ont plus les moyens, après des réductions brutales d’effectifs.
Tempo va finir d’épuiser le personnel en régions et affaiblir la télévision régionale, en diluant l’info de proximité avec du national. Au passage, les 24 antennes régionales perdent 20 minutes d’antennes avec la suppression du 18h30 qui avait pourtant trouvé son public.
Curieusement, Tempo ignore complètement le numérique qui est pourtant un enjeu majeur pour l’avenir de France Télévisions, selon la direction. Partout en région, encadrement et salariés sont épuisés par des journées à rallonge, des effectifs insuffisants, sans parler de l’absence de visibilité et de stratégie de la direction concernant le web.
Tempo n’apportera malheureusement aucune réponse à ce mal-être qu’il aurait été pourtant bien plus utile de traiter !
Toulouse, le 19 juin 2023