Un loup qui attaque un troupeau de brebis dans la Somme. Orpéa et Xavier Bertrand mis en cause dans un livre-enquête sur les Ehpad. Aucune de ces infos majeures n’a été traitée par un sujet dans le JT de France 3 Picardie.
Le 24 janvier en soirée, la rédaction reçoit ce communiqué de la préfecture de la Somme : le passage d’un loup est confirmé dans le département et plusieurs brebis ont été attaquées. Un fait rarissime depuis la disparition de ce prédateur au début du XXème siècle. Une info qui intéresse sûrement les nombreux éleveurs de moutons de la baie de Somme, les naturalistes, les chasseurs et le grand public.
Le 26 janvier sort « Les Fossoyeurs », l’enquête-choc de notre confrère Victor Castanet qui dénonce défaillances et dysfonctionnements dans les Ehpad gérés par Orpéa. Xavier Bertrand, ancien ministre de la santé, ancien maire de Saint-Quentin et actuel président de la région Hauts-de-France, y est soupçonné d’avoir favorisé le développement du groupe, notamment dans l’Aisne. Une info qui intéresse sûrement notre public.
Quel traitement pour ces deux actualités majeures sur l’antenne de France 3 Picardie le jour-même ou pendant les jours qui ont suivi ?
Rien ou presque.
Pas de sujet sur l’attaque du troupeau d’ovins par le loup. La presse et la radio locales ne se sont pas privées de traiter cet événement comme il le méritait, tout comme de nombreux sites nationaux d’actualité. Orpéa ? Trop complexe, trop sensible pour un sujet le jour-même répond l’encadrement. La problématique est seulement évoquée dans un journal de campagne et dans une interview de Nathalie Arthaud, alors que l’info a fait la une de toute la presse nationale durant plusieurs jours.
Des journalistes de l’antenne d’Amiens ont pourtant insisté en conférence de rédaction plusieurs matinées d’affilée pour qu’on trouve une couverture à cette info.
Heureusement, le web a sauvé l’honneur en s’emparant de ces sujets délaissés par les éditions du JT.
Comment expliquer de tels loupés ?
La rédaction en chef est anémique. Amiens connaît depuis plus de 6 mois une grave pénurie d’adjoints (avec un pic de 4 adjoints absents simultanément !). Les adjoints de passage se succèdent, pour des remplacements de 2 jours à une semaine. Ils ne connaissent pas la région et son histoire, parfois même pas notre façon de travailler s’ils sont extérieurs à FTV. La rédaction et même les PTA subissent cette situation depuis trop longtemps avec des conséquences graves en termes éditoriaux et en risques psycho-sociaux.
Notre organisation interne : les présentateurs qui reçoivent les conducteurs de JT la veille au soir, des équipes déjà calées et trop souvent parties avant la fin de la conférence de rédaction, la prépa confiée aux adjoints. Gouverner, c’est prévoir, d’accord. Mais au prix de gros ratages ?
Notre métier est de traiter de l’actualité. Et les choix doivent se discuter pendant la conférence de rédaction du matin qui est le lieu du débat éditorial. Le tour de table se fait encore trop souvent quand tous les sujets ont été distribués ou quand les équipes sont déjà parties.
Nous demandons une vraie politique RH pour valoriser le métier d’adjoint et stabiliser l’équipe encadrante. Nous demandons une réelle écoute et une confiance de la rédaction en chef envers les journalistes de terrain. Nous demandons qu’une équipe volante soit dédiée le matin pour partir sur une actualité imprévisible. Nous demandons qu’une partie de la prépa soit redonnée aux journalistes afin qu’ils soient une réelle force de proposition et de suivi de l’actualité.
Paris, le 4 février 2022