Non, vous n’avez pas rêvé. Le déplacement du président de la république en Ukraine a bien été le théâtre d’une humiliation médiatique.
Pas d’interview d’Emmanuel Macron à l’aller dans le train, ni au retour. Pas de journaliste de la rédaction nationale avec le locataire de l’Elysée. Aucun de ceux qui suivent habituellement le président n’était du déplacement. Le Château avait choisi. TF1, BFMTV et… « C à Vous ». Certes une émission de France 5, mais une production en externe et qu’on ne peut pas qualifier d’émission d’information. L’Elysée avait donc choisi sciemment en refusant un représentant de la rédaction nationale de France Télévisions.
Un affront, une insulte doublée d’une désorganisation au plus haut niveau. Ce scoop donné à un journaliste de « C à vous » était arrivé jusqu’aux oreilles de la direction de l’information, la veille du déplacement en Ukraine. A ce moment-là, l’Elysée ne confirmait toujours pas auprès de nos équipes la réalité de ce déplacement. Et donc le jour venu, rien sur nos antennes, pas de duplex au plus près du président de la République, pas d’interview d’Emmanuel Macron en privatif. Rien de tout cela, pendant que les chaînes privées qui étaient du voyage faisaient leur travail. Le journaliste de « C à vous » était, dit- on, équipé d’un moyen de transmission, mais nous n’avons pas vu la couleur d’une image ni le son d’un plateau, même enregistré ! Il n’y aura sur nos antennes qu’un extrait de son interview avec le président, le lendemain, avant la diffusion de l’ensemble sur France 5. 36 heures après !
Quel fiasco ! Quel échec pour la direction de l’information et toute notre hiérarchie qui se sont ainsi retrouvées le bec dans l’eau. Seule consolation, une envoyée spéciale présente à Kiev a donné l’illusion que nous étions sur le coup. Il suffisait de zapper sur les autres chaînes, où les directs et interviews exclusives se succédaient, pour se convaincre du contraire.
Alors, beaucoup de questions se posent. Pourquoi Emmanuel Macron a-t-il préféré « C à vous », l’une des émissions produites par Médiawan pour France 5 ? La proximité avec le pouvoir en place du patron de cette société est-elle entrée en ligne de compte pour que ce choix soit fait au détriment de notre rédaction ? Qu’en pensent notre présidente et notre numéro 2 directeur des antennes et des programmes ? Ont-ils validé sans broncher cette nouvelle attaque en règle contre la rédaction nationale venant directement de l’Elysée ? Ce pouvoir qui s’apprête à affaiblir considérablement l’audiovisuel public en supprimant la redevance semble nous avoir déjà rayé de la carte. Avec la complicité d’une direction plus que défaillante dans cette affaire !
Paris, le 20 juin 2022