Déclaration liminaire des syndicats CFDT, CGC, CGT, FO, SNJ, SRCTA-UNSA et Sud
Nous sommes réunis ce jour en CSE extraordinaire sur le projet de Contrat d’Objectifs et de Moyens (COM) 2024-2028.
Il y a pourtant à peine un mois, la direction présentait les Orientations Stratégiques de l’Entreprise sans pouvoir se projeter au-delà de la fin de l’année 2024. Le projet de COM contredit donc cette position.
Néanmoins, personne ne peut ignorer qu’un processus législatif sur la gouvernance de l’Audiovisuel Public est lancé. Son issue est incertaine et il pourrait bouleverser rapidement et profondément l’organisation de nos entreprises. Comment penser l’avenir dans ces conditions ? Nous ne savons même pas quels seront nos interlocuteurs en janvier 2025.
Malgré tout, la direction a l’intention de lancer des projets de réorganisation d’ici la fin de l’année, ce qui semble déraisonnable tant que la situation de l’Audiovisuel Public ne sera pas stabilisée.
Un exemple avec le projet de rapprochement de la DGDAP et de la direction du numérique. Est-ce vraiment le moment de le lancer alors que Radio France est dans un mouvement contraire de montée en puissance de sa direction du numérique et qu’il va sans doute falloir faire un choix stratégique dans moins d’un an ? Quelle stratégie va l’emporter ?
Est-il si urgent de basculer le numérique régional sur la plateforme de France Bleu avec le risque de perte massive d’audience pour l’URL francetvinfo.fr, sans garantie de transfert de cette audience sur la nouvelle plateforme ? Si rassembler l’Audiovisuel Public pour être plus puissant commence par un affaiblissement, c’est l’idée même de ce projet qui se fissure.
Ces questions de choix stratégiques vont nécessairement se poser pour tout ce qui, de près ou de loin, peut être remis en cause en cas de fusion des entreprises de l’Audiovisuel Public. La direction de FTV soutient ce projet du gouvernement, mais elle doit bien en mesurer les conséquences.
Le chemin vers la fusion va obliger tous les acteurs à se concentrer sur les enjeux internes d’organisation, que ce soit les structures, l’organisation du travail, le temps de travail, les métiers, le système salarial, l’harmonisation des salaires, etc… au détriment des enjeux d’adaptation aux mutations du secteur audiovisuel.
Eviter des « stop and go » sur des projets, voire des conflits sociaux, serait bénéfique pour tout le monde, les salariés bien-sûr, mais aussi les finances de l’entreprise.
Les collectifs sont déjà largement déstabilisés et la direction a montré son incapacité à déployer des projets en anticipant les impacts et les coûts sur les directions opérationnelles. OpenMédia, Tempo, Sherlock entrainent d’importants dommages collatéraux.
Cette situation interroge sur la crédibilité de la feuille de route et du COM de FTV qui pourraient se voir bientôt refondus en une Convention Stratégique Pluriannuelle (CSP) unique avec ses inévitables ajustements stratégiques, voire budgétaires.
La direction ne souhaite pas se projeter au-delà de l’année 2024. Une illustration avec le projet de suppression des équipes légères de la Fabrique, partiellement transférées au Réseau régional. La direction se dit incapable d’assurer un plan de charge pour 2025 et les années suivantes, faute de visibilité, mais dans le même temps, elle conclut un accord sur 5 ans avec les syndicats des producteurs de cinéma pour 80 M€ par an, en progression de 5 M€, et un autre accord est en passe d’aboutir avec les producteurs audiovisuels pour un montant de 440 M€ par an, alors même que nos grilles de programmes ne sont en capacité d’en absorber que pour 420 M€. On comprend de ce fait les priorités : la direction n’a qu’un engagement tangible, il est en faveur de la production privée, pas de ses salariés en interne. Ces derniers seront encore et toujours la variable d’ajustement.
Justement, la direction est capable de prévoir à l’horizon 2028 une économie de 100 M€ sur la masse salariale, sans en donner les détails. Suppressions de postes ? Casse de notre couverture conventionnelle ? Elle laisse planer un brouillard malsain et inquiétant.
Alors que du côté du gouvernement, on nous tient un discours sur un Audiovisuel Public renforcé qui aurait les mains libres pour redéployer les moyens dégagés par la constitution d’une entreprise unique, nous avons les plus grands doutes à ce sujet, au vu des intentions affichées par la direction.
Nous sommes également particulièrement inquiets de l’utilisation de l’Intelligence Artificielle (IA) projetée par la direction à FTV. L’IA est disséminée partout dans le projet de COM.
Les Organisations Syndicales de FTV appellent la direction à une transparence totale sur le sujet, au travers d’un cycle de discussions avec elles et les CSE. Nous allons avoir besoin de temps, y compris pour réfléchir, et de moyens pour nous former à ces enjeux, en comprendre les atouts et les risques, poser les lignes rouges, mesurer les impacts sur le sens de nos métiers, sur l’emploi, mais aussi sur les principes professionnels et la déontologie des journalistes. Redonner du sens, avec une politique salariale dynamique et juste, voilà un enjeu intéressant.
Vous le voyez, Mme la Présidente, nos doutes sont nombreux face à un avenir extrêmement flou et il vous appartiendra de faire toute la transparence sur les intentions réelles de la direction sur tous ces sujets qui vont impacter de façon majeure l’entreprise et les salariés. Vous devez prendre la mesure de l’inquiétude et de l’appréhension des équipes de France Télévisions devant ce projet de fusion.
Compte tenu des risques majeurs encourus par les salariés de nos entreprises, tous les syndicats de l’Audiovisuel Public ont appelé à la grève les 23 et 24 mai, jours d’examen de la Proposition de Loi visant à fusionner nos entreprises.
Une grève légitime et qui doit être visible sur nos antennes : les élus de ce CSE Central protestent fermement contre l’externalisation de la fabrication du débat politique prévu le 23 mai au soir.
Paris, le 21 mai 2024