FUSIONS AU PROGRAMME
Création d’une nouvelle « marque », qui pourrait remplacer à terme les noms France Bleu et France 3 ; projets éditoriaux communs et directions régionales communes ; regroupement des équipes radio et TV dans les mêmes locaux ; et bien sûr « développement de la polyvalence » des salariés : dans un document de quatre pages, daté du 1er février 2023, Delphine Ernotte-Cunci et Sibyle Veil détaillent leur plan de fusion pour les réseaux France Bleu et France 3.
Ce « plan stratégique unique », que le SNJ s’est procuré (accessible ici), aurait été validé le 27 janvier dernier, lors d’un séminaire commun aux états-majors des deux entreprises. Il serait prochainement présenté au gouvernement dans le cadre des COM (Contrats d’Objectifs et de Moyens) qui doivent être conclus avec l’Etat à partir de 2024.
L’objectif affiché de Delphine Ernotte-Cunci et Sibyle Veil, signataires de ce document : « franchir de nouvelles étapes décisives dans le rapprochement de France 3 et France Bleu ». Fusion de structures locales et régionales, donc, mais également nationales et internationales : pour « l’acte 2 de Franceinfo », les directions souhaitent parvenir à une gouvernance commune, puis regrouper tous les services participant à ce « média global », en commençant par les équipes chargées des décryptages et de la lutte contre la désinformation. Les PDG de France Télévisions et Radio France prévoient également de mutualiser les bureaux de correspondants à l’étranger.
Les synergies de l’audiovisuel public seraient donc accélérées, au rythme des injonctions politiques. Rappelons que les salariés de Radio France et France Télévisions sont épuisés par l’accumulation des plans de suppressions d’emplois et des réformes structurelles (parfois contradictoires !) imposées depuis 15 ans ! Ce projet de fusion est inacceptable car il n’offre que de sombres perspectives aux équipes, qui, au contraire, demandent à retrouver du sens dans ce qu’elles font.
Pour le réseau France Bleu, en souffrance ces dernières années à la suite d’échecs à répétition de sa direction, le SNJ a lancé de nombreuses alertes. Nous revendiquons plus de liberté éditoriale locale, plus d’autonomie, plus de moyens, et un cadre éditorial cohérent et ambitieux. En total décalage avec les souhaits des équipes de France Bleu, la direction envisage aujourd’hui une réforme sociale majeure, avec comme objectifs la polyvalence des journalistes et les économies d’échelle. Il est également question de « complémentarité des offres » (partage de la journée ?) et de regroupement des équipes de France Bleu et France 3 dans les mêmes locaux (sur le modèle du projet en cours à Rennes). Est-ce la feuille de route de Céline Pigalle, ex-BFM-TV, nommée cette semaine à la tête de France Bleu ?
Côté France Télévisions, le lancement de « l’acte 2 de franceinfo » fait écho au projet Tempo : suppression des éditions nationales de France 3, et redéploiement des forces sur France 2 et franceinfo TV. Le mirage des moyens supplémentaires pour les stations régionales de France 3, qui en ont pourtant bien besoin, s’estompe : pour la direction, l’avenir des régions de France 3 passerait par une rationalisation, plus de polyvalence, et une fusion avec France Bleu.
Ce projet, qui vise à donner des gages aux ministères de tutelle, pour éviter une holding qui « coifferait » Sibyle Veil et Delphine Ernotte-Cunci, a tout de la stratégie défensive.
Les sections syndicales SNJ France Télévisions et SNJ Radio France dénoncent donc un projet en trompe l’œil, nourri d’obsessions politiques et d’incantations managériales. Elles alertent sur les dégâts éditoriaux et sociaux liés à la mise en œuvre d’une telle réforme.
Elles déplorent enfin qu’un projet d’une telle ampleur puisse être imaginé et construit sans les salariés de l’audiovisuel public, si ce n’est pour les exhorter à plus de polyvalence et de productivité ! Derrière les « rapprochements » imposés par les actionnaires apparaissent très vite les économies budgétaires, la réduction de l’offre, les suppressions d’emplois, et la dégradation des conditions de travail.
Ce projet ne sera pas le nôtre ! Le Syndicat National des Journalistes sera là pour défendre les salariés de France Bleu, de France 3, et de l’ensemble des rédactions de l’audiovisuel public.
Paris, le 10 février 2023