Comme les jeux télévisés, les sujets à France télévisions sont maintenant montés sous contrôle d’huissier. Un nouveau label de qualité ou alors une nouvelle norme ISO, orwellienne à souhait. Cela fleure bon une époque que l’on croyait révolue, celle du journaliste du service public aux ordres. Ne sois donc pas surpris cher confrère, chère consoeur, si un jour pendant que tu montes un sujet, un chef de centre, un directeur d’antenne régionale et un huissier débarquent pour te demander « votre sujet sera-t-il prêt dans 10 mn ou pas ? »
Nier le travail d’écriture du journaliste, nier le travail de création du monteur : une nouvelle vision pour une direction qui considère que nous devons travailler à la chaîne, nos produits (car il s’agit bien de cela) doivent être industrialisés, formatés, taylorisés. Un magazine politique de 26 min sur les municipales à Paris c’est : xxx temps de tournage, xxx temps de montage et sans dépassement s’il vous plaît. Autrement l’huissier est là pour « constater une exécution déloyale du contrat de travail ».
Alors gare à toi si ton enquête est complexe, si ton sujet ne sort pas à temps, si tu es victime du syndrome de la page blanche, peu importent les contraintes, la chaîne des temps modernes ne s’arrête jamais, le produit doit sortir. À fortiori dans un contexte de conflit social sur l’application d’un accord sur le temps de travail, où l’entreprise publique utilise les pauses repas pour allonger l’amplitude horaire de la même façon que la
grande distribution avec ses caissières. Un conflit que la direction souhaite à tout prix passer sous silence par le contrôle, l’intimidation, voire le flicage.
Lors du dernier Comité Central d’Entreprise, le PDG de France télévisions juge la grève à Vanves « choquante » et conspue ces « salariés qui n’assument pas une grève complète », à savoir l’entrée pour certains dans la grève pour une durée de 59 minutes. En effet, la grève n’est pas « complète », mais elle est totale dans le sens où l’écrasante majorité des salariés de France 3 IDF a fait au moins un jour de grève. Résultat : pas de JT régional ni d’émission politique depuis 20 jours.
Une bonne grève, pour le PDG c’est une grève qui coûte au salarié et qui rapporte à l’employeur… c’est autant d’économisé et peu importe si l’antenne en pâtit. En revanche bafouer la liberté de la presse en faisant travailler un journaliste politique sous contrôle d’huissier, ça pour le PDG ce n’est pas choquant. Si la direction croit que perdre des journées de salaire, travailler pour ne pas voir son ouvrage à l’antenne faute de JT, ou être dans l’obligation de ne pas accomplir son devoir d’informer fait plaisir aux salariés de France 3 IDF, alors cette direction connaît bien mal ses personnels, elle qui sabote sciemment toute tentative de dialogue social.
Vanves, le 5 février 2014