La direction de France Télévisions souhaite rencontrer des salariés pour parler avec eux de l’avenir de l’entreprise. C’est son droit. Mais attention, qu’elle ne cherche pas à instrumentaliser ces interlocuteurs, à opposer leurs témoignages à ceux des élus et représentants des salariés.
Ce rappel important étant posé, que peut-on attendre de cet exercice ? La communication interne nous explique qu’il s’agirait d’entendre les aspirations des salariés pour FTV, leurs visions de son avenir, leurs priorités pour l’entreprise, leurs attentes en matière de conditions de travail.
Le message de la « base » ne serait-il donc pas passé ?
– Aurait-on caché à Delphine Ernotte le contenu des motions rédigées par les comités locaux des salaires qui, les uns après les autres, déplorent l’opacité dans laquelle la direction gère le déroulement de carrière des salariés ?
– N’a-t-elle pas mesuré la colère de ces mêmes salariés, stupéfaits de se découvrir objets d’un fichage clandestin ?
– N’a-t-elle pas perçu la portée de la grève des JRI de France 2 opposés à la déqualification qui leur est imposée ?
Quelles sont les causes de ces colères ?
France Télévisions emploie des femmes et des hommes détenteurs d’un grand savoir faire professionnel, experts dans leurs métiers respectifs, des journalistes auteurs-salariés attachés à ce statut singulier, des créateurs de fictions dont les emplois contiennent une dimension artistique, des techniciens et administratifs qui comprennent et maîtrisent les rouages de la fabrications des contenus audiovisuels.
Malheureusement, les uns et les autres sont phagocytés par une structure bureaucratique dans laquelle des organisateurs gèrent des planificateurs.
Cette gangue technocratique s’observe en particulier dans les rédactions où le prêt à penser d’un encadrement trop souvent « hors sol » se heurte aux expériences vécues des reporters. Le taux d’encadrement est un symptôme révélateur de cette calcification du corps social de France Télévisions.
Les cadres supérieurs et hors grilles représentent 15 % des PTA. Les membres des filières Encadrement et Editions constituent 26 % des journalistes. Au siège parisien, ces taux s’élèvent respectivement à 22 et 42 % ! Dans les pôles de France 3, des directeurs d’antenne sans autonomie viennent déqualifier les rédacteurs en chef. Nous pourrions multiplier les exemples.
Il est urgent d’inverser cette tendance, de revisiter nos organigrammes, de réorienter nos moyens là où ils sont le plus nécessaires. Ce sont des questions que l’entreprise peut régler seule, en interne, sans intervention de la tutelle.
Il n’est pas nécessaire pour résoudre ces problèmes d’abonder le budget, de modifier le cahier des charges ou d’abroger les décrets Tasca. Simplement de gérer autrement. De faciliter la recherche, d’encourager l’innovation, de stimuler la créativité. D’utiliser les départs naturels pour modifier les équilibres. D’initier des formations pour permettre la mobilité. De faire de nouveau confiance à ceux qui, sur le terrain, font la télévision d’aujourd’hui et de demain.
Alors des Assises, pourquoi pas ? S’il ne s’agit pas d’une énième rustine pour un système à bout de souffle. Des assises, pourquoi pas ? Si elles contribuent à la prise de conscience par la direction du malaise de nombre de salariés et de leur attachement aux valeurs du service public.
Paris le 18 Novembre 2015
Assises de l’entreprise vrai dialogue ou faux-semblant