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AA lettrine articles

La direction actuelle de France Télévisions rêve d’une rédaction nationale unique. Cette même direction s’apprête à supprimer de nombreuses locales de France 3, notamment dans le Sud-ouest, en fusionnant leurs éditions avec celles des stations régionales. Avant peut-être de regrouper de grands bureaux de France 3, en profitant de la réforme territoriale ?

Les fusions dans la presse, écrite ou audiovisuelle, sont la plupart du temps des projets économiques, avec de graves conséquences éditoriales et sociales : éditions supprimées, réduction d’effectifs…  Depuis plus de deux ans, le SNJ dénonce Info 2015, un projet de rédaction unique construit contre l’avis des salariés et de leurs représentants.

Du point de vue de la direction, le premier acte de la présentation formelle du projet Info 2015 vient de s’achever. L’information-consultation des instances serait donc close ? Sûrement pas grâce à l’adhésion des élus du personnel, qui ont unanimement décidé de suspendre les dernières séances du CE Siège et du CCE. En réalité, la direction ne s’appuie que sur une décision de justice que les élus choisiront peut-être de contester en appel.

Nous ne sommes pas dupes : dans ce dossier, la direction s’est contentée de respecter le délai de consultation des instances, un délai prévu par la loi de sécurisation de l’emploi que le SNJ a dénoncé en 2013.  Mais que dire du contenu des échanges et de la qualité des informations livrées par la direction sur Info 2015 ?   Du point de vue des élus, c’est un scandale pur et simple. La direction campe depuis des mois sur une position déloyale, en ne proposant à la discussion que la première phase du projet. Une organisation qui n’a rien d’éditoriale et qui introduit la notion de journalisme industriel, le tout saupoudré de déclarations du style « C’est un projet de survie », ou « Pour différencier les éditions il faut fusionner » !

Sur l’offre d’information, la direction n’a convaincu personne. Info 2015 ne préserve en rien l’indépendance des rédactions. Info 2015 n’apporte aucune garantie sur le projet éditorial de chaque édition, sans même parler de l’identité éditoriale de chaque chaîne.  Et pour cause : la fusion des rédactions n’a pas pour but le développement de rédactions indépendantes. Cette fusion est pensée pour détruire les rédactions existantes et imposer le modèle de « l’usine info », la news-factory.  Travail sur tous les supports, pour toutes les chaînes, pour tous les sites numériques, avec un lien social qui disparaît peu à peu.

REDEPLOIEMENTS ET FUSION DES METIERS

Le modèle social, parlons-en, car la direction ne s’arrête pas à la fusion des rédactions. Elle pense déjà au 2e étage du missile Info 2015 : la fusion des métiers. Comment la direction compte-t-elle associer la rédaction unique aux bureaux régionaux et aux bureaux à l’étranger de France 2 ? Pas un mot n’est écrit sur le sujet dans le document officiel présenté aux élus.  Alors, après des heures de débats, la direction avoue du bout des lèvres que ces bureaux « auront vocation à travailler pour toutes les éditions, France 2, France 3 comme numériques… nous devons donc les renforcer ». Rien sur un éventuel travail en commun avec les stations régionales de France 3, visiblement elles n’intéressent pas plus que ça les concepteurs du projet Info 2015.

Si la direction refuse de dévoiler son plan aux élus, elle donne (oralement) quelques pistes : « On va redéployer des journalistes basés à Paris dans les bureaux régionaux. Et pour le montage… il faudra augmenter la capacité de montage des bureaux ».  La direction de l’Information va-t-elle mettre fin aux pratiques obscures de sous-traitance dans les bureaux régionaux en embauchant des chefs monteurs ? Non, hélas, Info 2015 c’est le moins-disant social : « Nous attendons de voir ce que les négociations sur les compétences complémentaires vont donner mais des postes de JRI-monteur ou monteur-JRI dans les bureaux en régions, ça nous intéresse ».

En bref : on fusionne, on ignore les stations régionales de France 3, on affaiblit les services communs de la rédaction nationale unique en redéployant des journalistes dans les bureaux régionaux. Enfin on dégrade les conditions de travail en généralisant les polycompétences inspirées des chaînes d’information en continu. 

LA CULTURE HORS DES JT !

Difficile dans ces conditions d’obtenir l’adhésion des élus et des salariés à ce projet. Mais pour la direction, qu’importe, nous ne sommes que des pions sur un tableau Excel. Pour cette équipe de dirigeants, la fusion s’imposera à tous, coûte que coûte, et son modèle social également. Exemple : la disparition des journalistes « Culture » des effectifs des JT nationaux.  D’ici à fin 2015, une dizaine de reporters spécialisés de France2 et France3 seraient transférés dans la rédaction numérique, sur le site « Culture Box ».  Le projet Info 2015 évoque bien une « proposition » de mutation qui serait faite à chaque journaliste, mais en réalité, la direction écarte le volontariat : « On doit trouver des journalistes qui vont aller travailler là bas, s’ils sont volontaires tant mieux mais dans tous les cas on doit les trouver ».
Au-delà de ce choix regrettable pour l’équilibre éditorial de nos éditions, c’est édifiant sur la conception du projet Info 2015 et sur la méthode employée par la direction.

 DENI ET DISSIMULATION

Même objectif pour les services « économie et social » de France 2 et France 3 à qui on dit simplement qu’ils seront les premiers à fusionner dans la joie et la bonne humeur, sans qu’on sache là non plus comment les choses seront organisées.

Et c’est pourtant bien le mandat des élus du personnel que de comprendre les conséquences d’un projet comme Info 2015 sur les organisations du travail des salariés, sur leur santé et sur l’emploi.  Mais la direction n’en a rien à faire, et nous demande de lui faire confiance. Quand les élus exigent le maintien des effectifs, la direction répond qu’elle ne peut pas s’engager à préserver les emplois. Elle répète encore et toujours que tout ira bien dans les services concernés, qu’on sera tous meilleurs et tous différents dans la fusion, et que tout se passera parfaitement dans les phases de déménagement (phases quasiment jamais évoquées lors des débats dans les instances).

Alors nous voilà à la fin de cette première manche. L’insistance des élus à obtenir des réponses vient d’obliger la direction à passer en force. Une victoire en trompe-l’œil pour une équipe plus proche de la sortie que de la mise en place de cette première phase de la fusion. Le SNJ n’a jamais caché son opposition au principe de la rédaction nationale unique. Mais au-delà de la philosophie générale de cette fusion, la direction refuse de dévoiler ses modalités concrètes.

L’HEURE DE LA MOBILISATION 

Le SNJ appelle les journalistes des rédactions concernées à ne pas se laisser aller aux sirènes d’une fusion dite salvatrice. Elle est bien au contraire funeste pour nos équipes éditoriales : personne ne sera épargné par cette organisation ! Pas moins France 2 que France 3 ou les rédactions numériques. La fusion est un outil économique, un modèle antisocial qui pense productivité avant éditorial, polycompétences plutôt que développement professionnel et « rapporteur d’éléments » plutôt que « journaliste reporter ».
Nous engagerons au plus vite les mécanismes unitaires de refus de ce projet dangereux pour tous ceux qui participent à la fabrication de nos éditions, sur nos chaînes comme sur le web.  En parallèle des recours juridiques, il est temps de vous donner la parole dans l’action militante.

Paris, le 14 avril 2015

 2015-04-14 Info 2015_la fusion contre les rédactions