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PREALABLE CSE SIEGE DU 4 NOVEMBRE

Bien sûr, l’heure est à la solidarité ! Notre métier n’est pas hermétique aux douleurs du monde. Nous sommes des témoins privilégiés, pas des citoyens sans humeur. Être aux premières loges de l’horreur, pousse souvent à s’endurcir mais n’oblige pas à ne plus rien ressentir. 

L’honnêteté de nos propos percute des murs de provocations. Trop souvent, nos mots mesurés ne pèsent pas lourd face aux messages de haine, notre neutralité nous laisse parfois sans armes face aux surenchères. Pour autant, nous ne devons pas servir de marchepied aux extrémismes, à ceux qui remettent en cause l’état de droit, à ceux qui fracturent à dessein notre société. 

Nous devons apporter de la sérénité, du recul, des explications ! Ne pas faire d’une polémique une aubaine mais la décoder, la mettre en perspective, et la dénoncer si elle est nauséabonde au regard de nos règles et de nos lois. Privilégier le travail d’enquête et non le micro-trottoir du bas de la rue. Ce n’est pas d’un prétendu journalisme de solutions dont nous parlons mais bien d’une solution pour le journalisme. Revenir aux fondamentaux, sans parti pris idéologique ! Mais redéfinir des angles, échanger avec nos pairs, ne pas faire de hiérarchie entre des donneurs d’ordres, et des équipes sur le terrain qui sont malheureusement reléguées au rang de prestataires ! La seule hiérarchie qui tienne c’est celle de l’information, le reste n’est qu’organisation.

Les crises que nous traversons posent à nouveau les questions que les crises précédentes posaient également. Nous défendions déjà les mêmes valeurs, celles que le SNJ défend inlassablement. Mais on préférait voir en nous des « idéologues », comme si nous ne participions pas au quotidien à l’effort d’information. Comme si l’expression syndicale ne représentait pas ici des reporters et des techniciens qui, chaque jour, concourent à cette mission de Service Public. Comme si nous regardions tout cela de loin. Non, le SNJ ce n’est pas cela ! 

C’est le terrain qui nourrit notre expérience et notre propos au quotidien. Dans les rédactions, nous portons ce nécessaire débat éditorial devenu une exception alors qu’il devrait être la règle ! Et il n’est pas question ici d’opposer les journalistes entre eux ! Non, ici nous en appelons à cet incontournable sursaut qui doit, au pire des moments pour notre démocratie, jouer pleinement son rôle ! 

Ramener le pluralisme de l’information sur le devant de la scène. Ne pas oublier que la pandémie et les terribles attentats terroristes de ces dernières semaines ne doivent pas éclipser le reste de l’actualité du monde. Ne pas occulter que ces sujets qui nous inquiètent tout autant à titre personnel, ne doivent pas être traités par la seule émotion, même si elle est grande. Il faut interroger les contradictions du pouvoir en place et les manquements des précédents, il faut dénoncer la communication quand elle se pare injustement des vertus de l’information, il faut expliquer à ceux qui soufflent sur les braises qu’ils sont aussi dangereux pour la démocratie que ceux qu’ils dénoncent. 

Nous ne nous plaçons au-dessus de personne, bien au contraire. Mais ce que nous dénonçons ici, c’est que nous ne sommes pas sollicités au quotidien pour penser nos journaux… juste pour les fabriquer. Pas pour les construire mais les alimenter. Et qu’on ne nous oppose pas l’argument de la distanciation physique qui empêcherait TOUT DÉBAT éditorial, c’était déjà le cas avant ! Distanciation, un drôle de mot d’ailleurs quand nous journalistes, nous avons besoin de prendre du recul, de la distance, et ce n’est pas la même chose…

Nos journaux montrent la force de nos rédactions partout dans le monde, et l’investissement de nos équipes n’est pas en question. Doit–on se taire parce que les crises nous ébranlent ? Nous avons répondu non à chaque fois ! Il en va de cette nécessaire confiance du public et de la crédibilité de nos offres, qui doivent rester une référence.

Paris, le 4 novembre 2020