Si la sidération est toujours de la partie, la résignation n’est pas d’actualité. La pression autour des deux affaires qui agitent notre rédaction depuis plusieurs jours, n’est pas retombée. Du « Macron dégage » expurgé, au photomontage entre deux lieux différents de manifestation des gilets jaunes, les dégâts sont multiples.
C’est ce qu’une délégation du SNJ a exprimé auprès de Pascal Doucet-Bon, directeur délégué de l’information, et Christophe Tortora, directeur de la rédaction nationale.
Crédibilité abimée, confiance en miettes, de quoi rendre encore plus difficile le travail des équipes sur le terrain, partout où les reporters de France Télévisions font leur travail.
Si nous avons ensemble mis sur la table ce constat commun, que des lignes blanches ont été franchies, il faut ici rappeler nos revendications portées au cours de cet entretien.
Il est strictement interdit de retoucher, trafiquer, recomposer, tout document journalistique, en l’occurrence ici des photographies de l’Agence France Presse. Effacer un mot sur une pancarte, ou faire un montage de deux photos pour créer une impression du réel, est prohibé, et nous ne pensions pas avoir à le rappeler. Nous avons demandé que cela soit réaffirmé à toutes et tous, la demande semble avoir été entendue, même si la direction se laisse la possibilité de photocompositions sans qu’il puisse y avoir de confusion pour nos téléspectateurs. Pour nous, c’est déjà trop.
La direction s’engage en tout cas, dès le début d’année à organiser une réflexion sur les « process » de fabrication et de validation, reconnaissant par-là qu’au-delà de cette affaire, il y avait déjà des failles dans ce domaine. Ce qui est sûr, c’est que chaque journaliste au poste où il se trouve dans cette chaine de responsabilité doit avoir en tête ce qui est interdit et ce qui est permis. Un conseil : qu’ils relisent la charte d’éthique professionnelle des journalistes.
Il faut enfin en finir avec cette dérive et ce mélange dramatique qui fait d’un plateau de journal un décor ! On parle de fresque, de papier-peint… Une approche formelle comme une gadgetisation de la production d’info ! Nos plateaux ne sont pas des espaces artistiques, et l’information n’est pas un divertissement.
Au-delà des décisions et sanctions que compte prendre la direction, elle est bien sûr responsable dans ces affaires. Quelques jours après la révélation de ces drames éditoriaux, le SNJ considère que la communication de la direction n’est toujours pas à la hauteur. Dès le message d’excuse dimanche 16 décembre dans le 19/20 et jusqu’à aujourd’hui. Nous lui avons demandé de réfléchir et d’agir très vite en ce sens, et nous persistons ici. Le soufflé ne retombera pas, et rien n’effacera ces taches au cœur de la trêve des confiseurs.
Pour autant, nous ne profitons pas de ces fautes éthiques et déontologiques pour régler des comptes, non ! Ce que nous voulons mettre en avant une fois de plus, c’est notre quotidien, notre conception du métier qui sont en train d’être sacrifiés au profit de la dictature de la forme, du reportage rêvé par ceux qui nous dirigent au détriment de notre mission première, informer. Nous ne sommes pas des prestataires de service, pour aller ici ou là, rapporter des éléments d’un puzzle reconstitué par d’autres au montage.
Une information dévoyée est plus difficile à déceler que des photos truquées. Et il n’y a aucune hiérarchie à chercher dans tout ce qui abime un peu plus chaque jour notre métier et tout ce qui devrait en faire un formidable lien avec les citoyens.
Paris, le 20 décembre 2018
2018 12 20 Tromperies visibles et invisibles