Quand une entreprise est en difficulté, c’est toujours la faute des employés, jamais celle des dirigeants. Ces derniers tentent de culpabiliser leurs salariés tout en s’accordant primes, dividendes et bonus. Cette attitude irresponsable et indécente n’est pas réservée aux patrons d’entreprises privées. Hélas, ces pratiques et ces discours honteux se retrouvent aujourd’hui à la direction de l’information de France Télévisions.
Le 18 juillet, le SNJ dénonçait le choix du patron de la rédaction nationale de France 3 : pas d’équipes de reportage à Gaza ou en Ukraine ! Avec comme seule explication, au détour d’un couloir : « tant que vous ne serez pas tous au forfait-jours on fera comme ça ». Editorialement, une honte ; socialement, un chantage aussi scandaleux qu’illégal.
Cinq semaines plus tard, dans un courrier envoyé aux équipes de la rédaction nationale de France 3, Pascal Golomer (directeur délégué à l’information) persiste et signe. Il affirme qu’en raison d’une forte actualité, « 4400 heures supplémentaires » auraient été demandées et validées par la hiérarchie au premier semestre.
Il s’agit, selon lui, de l’unique raison pour laquelle « aucune équipe de la rédaction nationale n’est ainsi partie couvrir sur place les affrontements à Gaza ou le crash du MH 17 en Ukraine (…) Nous serons malheureusement contraints de renoncer à d’autres missions dans les semaines à venir ».
Nous ne pouvons pas vérifier ces chiffres. Nous savons que 4400 heures par semestre, pour une rédaction de 200 journalistes, cela représente moins d’une heure supplémentaire par semaine et par journaliste. Nous savons aussi qu’après avoir tenté d’ignorer la réalité de ces heures supplémentaires de travail, la direction a bloqué leur paiement pendant des mois. Il a fallu une forte mobilisation des salariés et de leurs représentants pour que la direction respecte tout simplement la loi et l’accord collectif.
Nous savons surtout que le 28 mai 2013, la direction générale de France Télévisions et les syndicats CFDT, CGT, FO et SNJ ont signé un accord collectif qui modifie les modalités de décompte du temps de travail. Il laisse le choix à chaque journaliste d’opter pour un décompte en jours (« forfait-jours ») ou un décompte en heures. Le décompte en heures permet, en cas de dépassement, de choisir une compensation en temps (récupération) ou en argent (heures supplémentaires).
Mais aujourd’hui, visiblement, la direction de l’information est incapable de respecter cette signature. Incapable d’assumer son propre accord collectif. Alors, la direction se discrédite en maniant le chantage et l’intimidation. La suite du courrier de Pascal Golomer est éloquente : « nous réunirons les rédacteurs en chef et les chefs de service pour décider avec eux de la manière de procéder pour limiter au maximum le recours aux heures supplémentaires. (…) Pour notre part nous restons persuadés (comme nous l’avons toujours dit) qu’à budget égal, l’option du forfait-jours permettrait aux journalistes de la rédaction de couvrir de manière beaucoup plus satisfaisante l’actualité nationale et internationale ».
La direction ne s’en cache même plus : elle n’entend pas laisser le choix. Forfait-jours pour tous ! Ou bien, à défaut, des éditions affaiblies avec moins de reportages. Sans oublier les menaces sur l’avenir professionnel des journalistes qui refuseraient d’opter pour ce système. Difficile dans ces conditions d’avoir confiance dans l’application loyale du « forfaitjours »… Et l’argument économique n’est pas recevable quand, à l’heure des restrictions budgétaires, la direction continue de sanctuariser les bonus et parts variables versés aux cadres.
Le SNJ exige la transparence sur le budget des rédactions et pas uniquement sur le coût des reportages. Le SNJ exige également une application loyale de l’accord de mai 2013, et la fin des pressions inacceptables exercées sur les journalistes. Ces pratiques sont indignes du Service Public.
Paris, le 27 août 2014