Aucun Thalassa ne sera diffusé en février, déprogrammé une nouvelle fois. Lorsqu’une direction des programmes souhaite casser une émission, elle la déplace sur la grille, teste de nouveaux programmes à la place et compare les audiences. Cette fois-ci encore, Thalassa va être remplacé par des programmes de divertissement.
Est-ce un hasard ? C’est le Thalassa spécial « Solidaires en mer » qui est déprogrammé pour la seconde fois. Une série de reportages sur les clandestins en Méditerranée et le travail de Médecins sans frontière, et sur l’action d’un humanitaire installé au Bangladesh.
Ce n’est peut-être ni assez glamour, ni assez vendeur pour la direction des magazines de France 3. Et pourtant, ce sont de vrais reportages, comme les journalistes de Thalassa savent et aiment les faire, réalisés sur le terrain, sans mise en scène, contrairement aux « séquences » écrites à l’avance et validées par les chefs.
La rédaction de Thalassa est d’autant plus inquiète que deux de ses journalistes partiraient, avec leurs postes, en régions.
Lentement mais sûrement, les techniques de management mises en application par la hiérarchie portent leurs fruits. Usure, perte de sens, déresponsabilisation des journalistes : la rédaction est épuisée, déboussolée et désœuvrée. Elle est passée en phase « Bore out » (syndrome d’épuisement professionnel par l ‘ennui) avec organisation d’un chômage technique qui ne dit pas son nom. Les plus chanceux n’ont tourné qu’un seul sujet depuis septembre dernier.
La grille est faite et toutes les émissions sont remplies jusqu’à juin. Mais rien n’est encore en préparation ou en production pour septembre 2016. Par ailleurs, une rumeur insistante fait état du départ prochain de « Faut Pas Rêver » de la péniche Thalassa pour rapatrier toute l’équipe (production + 4 journalistes + rédaction en chef + documentaliste) dans les locaux de France Télévisions. Depuis quelques mois en effet, la direction des magazines dirige toute l’émission Thalassa depuis le siège, valide les choix de sujets, lit tous les scripts, et refait faire tous les montages, plateaux compris.
L’équipe de Thalassa craint de se retrouver isolée sur un bateau devenu trop grand pour une rédaction qui ne produit plus beaucoup. Moins de la moitié de l’ensemble des sujets mis à l’antenne sur la dernière année de production a été produite en interne. Le reste, des reportages prêts à diffuser de 110 minutes, a été acheté aux boites de production extérieures. D’ailleurs, la gestion de ces magazines livrés » clés en main » serait désormais assurée par la Direction des Programmes.
Pour les journalistes titulaires de Thalassa, la démonstration de l’inutilité de leur rédaction est en cours. Démonstration orchestrée, calcul implacable.
Alors, chronique d’un torpillage avant le naufrage ? La disparition de Thalassa de la grille des programmes en février, sous le prétexte que « Koh lanta » est diffusé ce soir-là sur une chaine concurrente, n’en semble que le prélude.
La Direction de France Télévisions, interpellée aujourd’hui par le SNJ en Comité d’établissement, affirme vouloir « renforcer la marque Thalassa avec moins de numéros » à l’antenne. Pas de quoi nous rassurer…
Le SNJ attend rapidement que la présidente de France Télévisions et la directrice exécutive de France 3 répondent aux inquiétudes légitimes des journalistes et de l’ensemble de ceux qui participent en interne à la réalisation et à la fabrication du magazine. Thalassa semble ne pas devoir atteindre ses 41 ans, si cet abandon programmé était vérifié.
Paris, le 22 janvier 2016