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Mercredi 18 novembre, nous apprenons vers 13h00, via le secrétariat national du SNJ, que l’un de nos confrères de France 3 Paris IDF a été placé en garde à vue, mardi soir, pour avoir filmé des échauffourées lors d’une manifestation alors qu’il rentrait chez lui. N’ayant pas d’autres détails, nous allons au bureau des adjoints où se trouvaient le responsable du JT de midi ainsi que celui du 19/20. A l’annonce de la nouvelle, le cadre du midi tombe des nues, mais son collègue nous répond : « je suis au courant, MAIS il est sorti de garde à vue il y a 2 heures ». Il nous dit également qu’il est au fait de cette histoire depuis 6h00 ce matin… Nous lui indiquons qu’il semblerait que des journalistes d’autres médias aient été également placés en garde à vue. Réponse de l’adjoint : « oui, mais je ne vais pas pleurer, pour certains ils l’ont bien mérité » !!!

Plusieurs questions se posent : à quel moment comptait-il partager l’information avec son collègue du midi ? Pourquoi n’avoir rien dit à la conférence de rédaction du matin qu’il « anime » ? pourquoi la rédaction en chef et la direction régionale n’ont-elles rien dit ? Notre encadrement espérait-il passer une affaire aussi grave sous silence ?

Nous n’avons d’autres choix que de mettre sur la place publique les errements d’une direction et d’un encadrement qui nous ont conduits à ce scandale prévisible, qui s’ajoute à plusieurs défaillances graves :

  • Couverture du procès des attentats de janvier 2015, demande de l’encadrement : « tu me fais un 6’ sur l’augmentation de la menace terroriste et comment les services de renseignement travaillent ». Question de la journaliste mandatée : « et pour les images et les interviews ? ». Réponse : « ben tu demandes une autorisation pour suivre les renseignements, tu as trois semaines ». A trop regarder les séries télé…
  • Manque d’anticipation toujours : un coup de fil réveil matin à 7h00 pour l’actu M. La mission : trouver au débotté une école qui accepte de nous recevoir pour un sujet sur l’hommage rendu à Samuel Paty dans les établissements scolaires.
  • Dans la même veine, la couverture du 5eme anniversaire des attentats du 13 novembre 2015 s’est limitée à un sujet donné à un CDD qui n’avait aucun contact le 13 au matin pour une diffusion à midi…

A la décharge de nos adjoints, la majorité d’entre eux est issue de l’édition, et cette absence de culture du reportage se révèle souvent un handicap. La RH s’est contentée de leur faire suivre une formation au management. Extraire des journalistes compétents à l’édition pour les promouvoir sur des postes qui demandent d’autres aptitudes professionnelles se révèle un échec. Trop de cadres intermédiaires sont aux ordres, incapables d’argumenter sur un métier, celui de reporter, qu’ils connaissent mal.

Le résultat est pathétique. Pour éviter d’être confronté à leur impéritie, la conférence de rédaction n’est plus qu’une chambre d’enregistrement dirigée par des « yakafokons ».

Nos adjoints, conscients de leurs faiblesses sont devenus imbattables dans l’art de l’évitement : pas d’audioconférence avec les BEX, des conducteurs bouclés la veille pour éviter le débat collégial avec la rédaction et s’ils ne peuvent y échapper, faute d’arguments, ils font valoir leurs galons pour se faire obéir. Entre eux, c’est le chacun pour soi. Impréparation, rétention d’informations sont les maîtres mots. Tout cela dégrade au quotidien la fabrication des JT.      

Depuis maintenant quatre ans, la rédaction de France 3 Paris IDF assiste impuissante à l’éloignement de sa hiérarchie. L’encadrement intermédiaire faute d’expertise, ne peut jouer son rôle : débattre, aider, diriger, conseiller, voire critiquer des reporters de métier. Pourtant les théoriciens du travail, les spécialistes RH, conviennent tous de cet axiome : « l’employé heureux est avant tout celui qui est dirigé par un supérieur hiérarchique capable de faire son travail ».

Ce n’est clairement pas le but recherché par la RH de France 3 Paris IDF. La rédaction est en souffrance. Plus de la moitié des dernières embauches dans cette rédaction se sont faites via une action de justice. Les femmes sont quasi absentes dans l’encadrement de la rédaction : pourtant contrairement à ce que veut faire croire la RH en l’espèce il n’y a pas eu pénurie de candidatures féminines.

France 3 Paris IDF est devenu le laboratoire du contre-exemple des bonnes pratiques RH. La DRH réseau aurait dû faire barrage aux mauvais choix de recrutement de la direction régionale et non accompagner cette succession de mauvaises décisions. Malgré ses années de service, elle semble n’avoir toujours rien compris au journalisme et au fonctionnement d’une rédaction.

Une rédaction qui fait pourtant preuve d’une résilience inébranlable. Malgré les incendies, un déménagement traumatique et le fardeau des encadrants sur le dos, elle avance et reste réactive, professionnelle et responsable. Pour preuve, le jour de l’attentat contre Samuel Paty à Conflans-Sainte-Honorine, c’est cette rédaction, sans moyens comparé à ses grandes sœurs, qui a assuré les directs pour le 20h00, le 19/20 et France Info. 

D’ici quelques semaines, un(e) nouveau (elle) directeur (trice) régional(e) devrait être nommé(e). Réparer les dégâts causés par son prédécesseur, recréer ex nihilo un encadrement capable de penser un journalisme au service du public est un défi, nous espérons qu’il ou elle le relèvera. Nous serons vigilants !    

Paris, le 24 novembre 2020