S’il est un reproche que l’on ne peut pas faire à Rémy Pflimlin, c’est celui de manquer d’aplomb. Aller à Montréal deviser doctement – et sans rire – de l’avenir des médias francophones alors que l’on maltraite depuis un an les salariés de France Télévisions investis dans ce secteur, il fallait oser. Rémy Pflimlin l’a fait.
Est-ce bien le même homme d’ailleurs qui se rend au Canada pour rencontrer des professionnels francophones et celui qui cherche depuis un an à liquider la rédaction AITV ? Comment un PDG qui affirme que France Télévisions n’a pas de légitimité à l’international et que la redevance ne doit pas bénéficier aux téléspectateurs africains peut-il se mêler aujourd’hui de ce sujet ? Pourquoi s’infliger un si long déplacement quand on affiche si peu d’appétence pour la question ? Aplomb, culot, duplicité, provocation, cynisme ? Chacun choisira le terme qui lui paraîtra adapté.
Trente-trois intellectuels francophones, en majorité africains, ont eux choisi de ne pas être dupes. Ils ont pris la parole sous la forme d’une lettre ouverte adressée au président du Sénégal, Macky Sall, dont le pays accueillera à Dakar les 29 et 30 novembre le quinzième Sommet de la Francophonie. Ils lui demandent d’empêcher la disparition de l’AITV, structure nécessaire au fonctionnement de nombreuses chaînes de télévision africaines.
Une disparition que la direction de France Télévisions essaie de hâter avec une « médiation » autour du reclassement des journalistes, «médiation » confiée à un ancien élu du personnel, ex-rédacteur en chef de l’AITV. Cette initiative n’a jamais été souhaitée par les journalistes de la rédaction qui exigent le maintien de leur activité et l’ouverture de négociations sur l’évolution de l’agence. Le SNJ soutient ces revendications et s’oppose à toute initiative qui légitimerait la destruction de l’AITV.
Les dirigeants actuels de France Télévisions et de sa filiale CFI sont prévenus. Ils seront jugés sur pièce à Dakar. En matière de francophonie, le temps des vaines promesses et des paroles creuses est révolu. En francophonie comme ailleurs, il n’y a pas d’amour, seulement des preuves d’amour.
Paris, le 10 octobre 2014