Il fallait s’y attendre. Après avoir déclenché de sérieux maux de tête dans les rédactions de France 3 soumises aux règles successives et contradictoires de l’équité et de l’égalité de temps de parole lors de la campagne présidentielle, le CSA a fini par se mordre la queue. Avec toute la mauvaise foi dont il est capable dès qu’il peut s’en prendre au service public, le CSA épingle 6 stations régionales de France 3 et « déplore » qu’aucun candidat ou l’un de ses représentants n’ait eu accès à l’antenne lorsque le moment de l’ « égalité de temps » a suivi celui de l’ « équité dans le traitement ». Dans la foulée, il met France 2 en demeure pour la maladresse sans conséquence d’un reporter lors du JT de 13 heures le jour du scrutin.
Dans un texte récent, le SNJ dénonçait les règles absurdes du CSA obligeant les rédactions à des contorsions éditoriales grotesques lors de cette présidentielle et en appelait à l’indépendance et à la responsabilité professionnelle comme meilleur garant d’un débat démocratique digne de ce nom.
A France 3, les règles du CSA ont provoqué ordres et contre-ordres en provenance de la Direction de l’information de France Télévisions, semant la pagaille dans les rédactions, déresponsabilisant les journalistes et leur encadrement, ce que le CSA ne pouvait bien sûr ignorer. Mais il a choisi la politique du chronomètre, d’une affligeante pauvreté, plutôt que celle donnant aux journalistes la responsabilité de leurs images et de leurs textes, ignorant ainsi superbement la Charte du SNJ, en vigueur à France Télévisions depuis le 15 septembre dernier.
A France 2, la maladresse d’un journaliste se traduit non pas par une « mise en garde » (c’est bon pour les chaînes privées quand elles font de pourtant bien grosses boulettes) mais par une mise en demeure, antichambre de la sanction financière. Il n’y a avait pourtant pas de quoi fouetter un « sage ». En direct dans le journal de 13 :00, un reporter a le malheur de laisser dire deux mots totalement anodins à un candidat, Jean-Luc Mélenchon, qui vient de voter : « Je me détends avant ce soir ». Quelle horreur ! Infraction aux règles du CSA et mise en demeure par des « sages » pas très détendus et imperméables à cette règle intangible du droit qui fixe la proportionnalité de la peine et l’opportunité des poursuites.
En matière audiovisuelle, le CSA est devenu avec le temps un censeur, beaucoup plus soucieux de contrôler l’information que d’aider les journalistes dans le combat pour l’indépendance de leur profession. Le CSA n’est plus une instance indépendante de régulation, c’est une instance captive au service des intérêts de ceux qui ont nommé ses membres. Comme une pendule déréglée qu’il faut remettre à l’heure.
Paris le 26 avril 2012