Dans la patrie de Montesquieu, la séparation des pouvoirs est un dogme qui ne paraît plus de mise actuellement dans l’audiovisuel public. Les pouvoirs se confondent et les carrières se déroulent sans entraves. Quand donc finira le système des vases communicants entre cabinets ministériels, postes de direction dans une entreprise publique et dans des sociétés de production ?
Tout justiciable – fut-il énarque – a droit à la présomption d’innocence jusqu’à son éventuelle condamnation par la justice. C’est sans doute ce principe que les autorités politiques avaient à l’esprit en désignant successivement Martin Ajdari, directeur de cabinet de la ministre de la Culture, Inspecteur des finances, patron de la DGMIC et enfin le 8 septembre, par décret, administrateur de France Télévisions. Le statut de témoin assisté dans l’affaire Bygmalion ne constitue apparemment pas un handicap. L’élévation de Rémy Pflimlin au rang de conseiller d’Etat en fournit une autre preuve.
Il est vrai que « témoin assisté », est plus léger à porter que l’étiquette « mis en examen » dont ne parviennent pas à se débarrasser Patrick de Carolis, Camille Pascal et autre Bastien Millot, membres eux de la précédente troupe qui a régné sur l’entreprise.
Il y a là de quoi rassurer – un peu – celles et ceux dont l’affaire du fichage clandestin trouble en ce moment le sommeil.
La prodigalité des bonnes fées gouvernementales à l’égard de leurs protégés est impressionnante.
Les salariés de France Télévisions, eux, peuvent se demander si tant de constance dans le renouvellement de la confiance, la distribution de titres et honneurs est bien raisonnable.
Comment l’ex-patron des finances de l’entreprise pourrait-il aujourd’hui exercer un contrôle impartial de la gestion de son successeur et ancien adjoint ? Sans préjuger de l’existence d’un conflit d’intérêts, le bon sens ne commande-t-il pas de proscrire le mélange des genres ?
Quel crédit accorder à un conseil d’administration ainsi composé ?
Le SNJ en appelle à une éthique de la responsabilité.
Pourquoi ne pas introduire un délai de carence – qui serait aussi un délai de décence – dans ce mercato politico-médiatique ?
Pourquoi ne pas proposer aux directrices et directeurs une clause de non-concurrence spécifique au service public pour éviter de les voir passer demain avec armes et bagages chez Bouygues, Bolloré ou Drahi ?
Cela coûterait trop cher affirmait il y a peu en CCE la précédente direction. Il ne tient qu’à la nouvelle présidente – et au pouvoir politique – de fixer à l’euro symbolique la contrepartie monétaire de cette clause de non-concurrence. Libre alors à chacune de ces directrices et à chacun de ces directeurs de l’accepter ou pas.
Ce serait une belle façon de démontrer que le service public n’est pas une entreprise privée et a une réelle éthique.
Paris, le 14 septembre 2015