C’est l’été mais après la belle saison se profile déjà le spectre d’une rentrée morose pour ne pas dire sinistre. Ce fut d’abord une rumeur, vite confirmée par la rédactrice en chef lors d’une réunion convoquée dans l’urgence et l’improvisation pour nous annoncer que les magazines de la rédaction seraient supprimés en septembre.
Nouveau coup-bas qui met à mort le dernier espace d’expression, de réflexion, de créativité, consenti aux journalistes. Une suppression décidée
dans l’opacité, nouveau mode de gouvernance de la hiérarchie pour tenir à l’écart les salariés, dès lors qu’ils ne font pas partie de la garde rapprochée des puissants.
Certes ces reportages ont été malmenés au fil des ans, leurs durées diminuées (de 26 ou 13 minutes ils étaient passés à 7). D’un créneau dédié,
ils avaient migré vers une case inadaptée dans les JT du dimanche soir, mais fallait il pour autant leur porter le coup de grâce ? Une disparition d’autant plus incompréhensible que dans le même temps le magazine du Pays Basque est maintenu le samedi !
Ce recul éditorial est bien la preuve de ce qu’attend l’encadrement des journalistes : une soumission aux choix de rédacteurs en chef, l’oeil rivé
sur les chaînes d’infos et sur le quotidien régional, pour tout projet rédactionnel. Dans un document diffusé récemment dans les rédactions, le SNJ
analysant l’évolution du réseau France 3, déplorait la perte d’identité et d’audience de la chaîne régionale. « Durée des JT réduite. Editions
locales priées de disparaître pendant les vacances scolaires ! Autres éditions cantonnées à des horaires de diffusion inadaptés, ou purement
et simplement déprogrammées »
En Aquitaine cette logique funeste est respectée avec zèle cet été : Locale Bordeaux-Métropole en congés forcés et journaux à moins de 15mn.
amputés au profit des « programmes courts » de l’antenne. A ce stade il convient de dresser un premier bilan d’une rédaction en chef, placée sous la tutelle d’une déléguée régionale de l’antenne omniprésente et interventionniste, enfermée dans des stéréotypes parisiens, sans égard
pour les compétences, les expertises et les savoir-faire de sa rédaction, elle s’est placée d’emblée dans la logique managériale prônée par nos
dirigeants où le salarié n’est qu’une variable anonyme, interchangeable et docile.
Un monde sans point de vue ni débat dont rêvent les Big Brothers / Sisters de l’information formatée. Cela s’est traduit sur notre antenne par une campagne des municipales insipide, et un silence indifférent sur les Européennes, par des journaux sans originalité ni ambition le reste du temps, fabriqués le plus souvent sous la responsabilité d’un encadrement partagé entre la lassitude et la peur de déplaire. (Les dernières audiences en recul constant le prouvent : 3 points pour le Midi Pile = 92 000 téléspectateurs. 5,1 pour le 19/20 = 156 500 contre 214 800 en début d’année 2014.)
Sans perspectives ni projets, sans dialogue ni transparence, c’est l’amertume et la démotivation qui s’installent au sein d’une rédaction, c’est le fossé qui se creuse entre quelques uns et les équipes de terrain.
Bordeaux, le 9 juillet 2014.