Les masques tombent. France Info, la future chaîne d’info du service public sera “low-cost”. Pire encore, en prétendant être une « chaine d’information de référence » elle sera une référence en matière d’escroquerie intellectuelle. Car la direction de France Télévisions a décidé de saborder la profession de journaliste, soit l’information de Service Public. Dans le même temps, elle met en danger professionnel et juridique, plusieurs métiers techniques.
La menace plane depuis des années. Un vieux rêve des directions successives de France Télévisions ; mélanger dans un grand fourre-tout les métiers techniques et journalistiques. Les JRI se voient déjà imposer la prise de son, l’envoi d’images et le cadre sur des directs en extérieur. Mais cela ne suffit pas à nos dirigeants qui, dans un souci de rentabilité et de taylorisation des activités, veulent à présent nous imposer le montage de nos reportages.
Rentabilité forcenée, absurde et dangereuse car pendant que le journaliste effectue toutes ces tâches techniques, il n’exerce plus sa fonction initiale, recueillir et vérifier les informations! La direction de France Télévisions nous conduit dans le mur au mépris de la qualité de l’information, première mission du Service Public.
La grande offensive est lancée. Sous prétexte de la création d’une chaine info, d’une remise à plat des compétences complémentaires, et d’expérimentations sur les “process de fabrication” des JT à Bordeaux et Grenoble, apparaissent dans différentes négociations parallèles la fonction de « journaliste-monteur » et son pendant le « monteur-journaliste ».
Sur France Info, une quarantaine de journalistes “bricol’tout” cumuleront les tâches de rédacteur, monteur, présentateur, scripte, mixeur ….Et parfois iront prendre l’air, seuls ou accompagnés d’un JRI, pour effectuer ce qui pourrait ressembler à un reportage. Tout cela au rythme d’un journal toutes les 30 minutes. Et on ne parle plus de compétences complémentaires, cette accumulation de tâches techniques étant désormais intégrée à la fonction, du bénévolat en quelque sorte.
Parallèlement, sur France Info, mais également à France 3, apparaissent des compétences complémentaires de techniciens: chefs monteurs, documentalistes, scriptes et assistants d’émissions qui pourraient « assurer seuls la conception, la rédaction, et la fabrication de contenus éditoriaux en cohérence avec la ligne éditoriale« . Quelle différence avec un travail de journaliste ?
Le SNJ l’a toujours affirmé, le journalisme n’est pas une compétence complémentaire. Les directions successives de France Télévisions l’ont toujours confirmé en écho. Il ne s’agit ni de corporatisme, ni de défense d’acquis mais bien de responsabilités déontologiques, éditoriales et juridiques répondant à une charte d’éthique et validée par une carte de presse délivrée, selon ces mêmes critères, par une commission indépendante. Le SNJ ne s’oppose pas, bien au contraire, aux reconversions de nos collègues techniciens ou administratifs vers le journalisme, des reconversions obligatoirement assorties de formations rigoureuses délivrées par des organismes de formation reconnus par la profession.
La direction de France Télévisions mesure-t-elle le risque de diffuser des sujets d’information réalisés par des salariés qui ne sont pas journalistes professionnels et ne relèvent pas des dispositions déontologiques associées au statut de journaliste professionnel défini par la loi ? Les salariés techniciens seront placés dans un no man’s land juridique et professionnel périlleux.
En agissant ainsi France Télévisions entre en conflit avec des dispositions de la loi de 1881 sur la liberté de la presse, du code de la propriété intellectuelle, de l’accord collectif d’entreprise du 28 mai 2013, de l’accord groupe du 3 mai 2007 sur les droits d’auteur des journalistes, etc…
– Qui signerait les contenus éditoriaux ?
– Qui en assumerait la responsabilité pénale en cas de poursuites ?
– Qui percevrait des droits d’auteurs sur ces contenus et dans quel cadre ?
Rien ne justifie que le premier employeur de journalistes de France fasse appel à des non-journalistes pour alimenter son offre d’information en continu. Il en va de la crédibilité de l’ensemble de cette offre. Ce n’est pas en galvaudant le label “Service Public” et la certification qu’il confère à France Télévisions, à Radio France et à France 24, que France Info se distinguera de la concurrence.
Si la direction de France Télévisions ne modifie pas sa copie, elle s’expose à un conflit majeur. Le SNJ saura prendre ses responsabilités: nous combattrons la mise à mort programmée du journalisme, et nous refusons un projet de chaîne d’information qui est une violation totale des valeurs du service public que nous défendons.
Paris, le 1er avril 2016
Journaliste France Televisions Disparition programmée