COMMISSION DEONTOLOGIE EXTRAORDINAIRE
Cela nous semblait incontournable et nous avons eu raison. Pour faire la lumière sur les manquements liés à la rocambolesque non arrestation de Xavier Dupont de Ligonnès, le SNJ avait rapidement demandé une commission déontologie extraordinaire. Et la direction l’a acceptée tout aussi rapidement. C’était un bon début.
Dans notre esprit, et le déroulement de la réunion du 18 novembre l’a démontré, le but était de comprendre l’emballement et l’absence de maîtrise d’un certain nombre de pratiques professionnelles.
Au-delà de ces fameuses 5 sources policières françaises qui confirment l’arrestation de Ligonnès à Glasgow, nous avons interrogé la direction sur ces moments qui ont précédé la prise d’antenne, point de départ de l’emballement jusqu’au démenti écossais un peu plus de 15 heures après.
La décision du « Breaking-news » est prise collectivement, nous dit-on, autour de 21h10, lorsque l’information de l’arrestation « de Ligonnès » est confirmée à la fois par l’agence de Radio France et le service « Police/Justice » de la rédaction nationale. La délégation de la Direction assume pleinement ce choix. De la direction de l’information à la direction de France Info.
La suite vous la connaissez, et c’est bien sur cette longue séquence que les représentants du SNJ voulaient entendre la direction.
Mots choisis, conditionnel oublié parfois, absence de remise en question, malgré des premières infos contradictoires, utilisation à revoir des fils « What’s app », informations fantaisistes, tout y est passé dans ce débriefing nécessaire, et, cela est important à préciser, dans un climat d’échanges apaisés.
Ce compte rendu n’est pas exhaustif, mais vos représentants SNJ souhaitent insister sur certains points. Comment, alors que sur le plateau de France Info, canal 27, des intervenants, présents ou par téléphone, poussaient nos collègues à la prudence (en attendant les analyses ADN), l’emballement s’est-il produit ? Reconnaissant cet aveuglement ou cette surdité, la direction parle d’une « auto-intoxication », comme s’il était impossible d’entendre ce qui se disait sur notre propre antenne !
Autre point important : pourquoi, alors que la nuit apportait les premiers grands doutes (les voisins de l’homme arrêté disent que ce n’est pas de Ligonnès mais un ami à eux), les éditions du matin sont-elles restées sur la même tonalité à propos de l’arrestation ? Ajoutons les doutes du procureur de Nantes, avant d’apprendre que les méthodes autour de la comparaison des empreintes digitales sont différentes entre la France et l’Ecosse (12 chez nous contre 5 là-bas).
La matinée s’achèvera donc sur la fin du feuilleton avec l’information qui mettra fin à cette cavalcade. L’homme arrêté n’est donc pas Xavier Dupont de Ligonnes !
La direction concède qu’entre la nuit du vendredi et la reprise des éditions le samedi matin, la vigilance a manqué, d’autant plus que les bandeaux sur la chaine info et le ton en plateau n’avaient pas la même tonalité ! Un problème à ne pas reproduire sachant que le bandeau est de la responsabilité de Radio France, et que cet accord entre les deux groupes est pour nous un problème déjà soulevé à la naissance de la chaine info. Enlever ce bandeau aurait été une sage décision éditoriale. Mais le « faire retirer ou modifier nécessitait une longue discussion éditoriale que personne n’a pris le temps d’effectuer dans la mesure où ce n’était pas la priorité ». Gênant et en l’occurrence regrettable.
Pour clore ce compte rendu, quelques mots sur les excuses portées sur les réseaux sociaux par le directeur de l’information.
Les élus SNJ ont souligné qu’elles étaient arrivées rapidement, contrairement à d’autres médias. En revanche, nous aurions souhaité qu’en l’absence du directeur de l’information (absent de Paris) ce soit uniquement le rédacteur en chef du service police justice qui vienne expliquer aux téléspectateurs, sur toutes les antennes, les raisons de cette faillite collective. Or, sur France 3, c’est une journaliste qui a été « exposée », contrairement à France 2 et France Info. La direction a reconnu qu’elle n’aurait pas dû faire cela.
Paris, le 25 novembre 2019