Piocher dans les rushes des journalistes des rédactions régionales de France 3 pour alimenter la chaîne France Info : voilà le hold-up que prépare la direction de France Télévisions. Au mépris de toutes les règles de la profession, et des graves risques déontologiques et juridiques qu’elle fait courir aux journalistes.
Dans un message adressé à l’encadrement technique et journalistique, la direction de l’exploitation du réseau régional France 3 écrit : « Faisant suite à une requête de la direction de l’information, il a été décidé, lors du dernier comité de pilotage i.media, de mettre en œuvre rapidement l’accès direct à FTR et IV3 aux rushs présents dans les antennes régionales. Ceci, pour permettre une plus grande réactivité dans l’alimentation de la chaîne info en cas d’événement en dehors des heures ouvrées des centres techniques. »
La direction de France Télévisions ignore-t-elle à ce point la loi ? Et les risques qu’elle fait courir aux journalistes ?
Les journalistes sont juridiquement responsables des images et informations qu’ils recueillent sur le terrain. Un accès direct aux rushes par d’autres qu’eux-mêmes, ou l’encadrement de leur rédaction, est inacceptable. Les journalistes reporters et JRI pourraient être impliqués dans des procédures en justice après une diffusion sur laquelle ils n’ont eu aucun regard !
La direction de France Télévisions ignore-t-elle qu’un journaliste n’est pas un simple porte-micro ou porte-caméra ?
Nous sommes des journalistes professionnels, avec des règles déontologiques. L’une d’entre elles, inscrite dans la charte d’éthique professionnelle, qui s’impose aux journalistes de France Télévisions, précise : « un journaliste digne de ce nom (…) exerce la plus grande vigilance avant de diffuser une information ».
Comment pourrait-il exercer cette vigilance dans un tel cadre ?
La direction ignore-t-elle le contenu de l’accord « droits d’auteur » qu’elle a pourtant signé ?
Dans l’accord groupe de 2007, au sujet du droit moral, il est précisé que l’utilisation des rushes est possible sous le contrôle d’un journaliste professionnel « sauf opposition expresse et motivée des journalistes auteurs, exprimée le plus vite possible après le tournage ». Comment pourraient-ils exercer ce droit d’opposition sur leurs rushes qui seraient utilisés sans information préalable ?
La direction de France Télévisions ignore-t-elle à ce point ce que sont des rushes ?
Ce sont des documents de travail, dont certains doivent être écartés du montage, masqués ou floutés afin de protéger nos sources ou de préserver l’anonymat de nos interlocuteurs !
Le SNJ exige que la direction stoppe immédiatement ce projet. Toute utilisation des rushes doit passer par l’accord préalable des journalistes auteurs des images et interviews. C’est la condition minimale et indispensable à la fabrication d’une information de qualité digne du service public.
Paris le 14 février 2019