Réduction budgétaire, diminution des effectifs, fermeture de chaînes, la saison 2019-2020 qui se profile est placée à France Télévisions sous le signe du repli. Les contraintes de l’Etat actionnaire, l’évolution des usages du public, les nouvelles technologies sont avancées par la direction comme autant de justifications à cette tendance générale à la baisse.
A nouveau modèle économique, nouveaux métiers hybrides. L’avenir – selon les dirigeants de l’entreprise – passerait par l’élaboration de nouvelles offres basées sur une répartition différente des tâches entre les salariés. Le numérique imposerait en somme de faire table rase du passé et du présent.
Changer de support n’est pourtant pas une première pour l’audiovisuel public. Les passages du film à la vidéo, de la Betacam au digital ont entraîné en leurs temps de profonds changements, la disparition de certains métiers, l’apparition d’autres, avec à la clé à chaque fois des reconversions professionnelles souvent réussies.
Changer de média n’est pas plus inédit. Les salariés des stations du réseau Outre-mer ont développé la télévision dans leurs territoires bien après la radio et assurent leurs présences depuis des années sur ces deux médias et même sur trois avec Internet.
L’entreprise a réussi ces mutations successives en s’appuyant à chaque étape sur les compétences éditoriales des uns et l’expertise technique des autres. Elle a gagné la confiance du public en proposant une information certifiée produite par des journalistes professionnels. Elle a acquis de fortes audiences en concevant et réalisant des œuvres et des programmes originaux.
Pourquoi vouloir aujourd’hui négocier cette nouvelle étape dans la confusion en laissant croire que les salariés de France télévisions seraient devenus interchangeables et que chacun à l’avenir pourrait faire – un peu – en « compétence complémentaire » et en mode dégradé le travail de l’autre pour peu « qu’il en éprouve l’envie ».
On ne bâtit rien de solide sur le mensonge. La direction doit assumer les conséquences de ses décisions. Si elle persiste à ne pas vouloir remplacer tous les salariés qui partiront dans le cadre de la RCC elle devra alors renoncer à certaines missions. Si elle entend réduire le recours à certains métiers, elle devra offrir aux salariés concernés la possibilité de vraies reconversions garanties par des formations validées.
Le site de Malakoff constitue dans ce registre une forme de laboratoire dans lequel peuvent s’observer d’ores et déjà les menaces qui guettent l’ensemble de l’entreprise. Que devient un établissement quand on ferme la chaîne qui mobilise les énergies d’un grand nombre de salariés du site ? L’arrêt de France Ô annoncé pour septembre 2020 et le lancement de la plate-forme numérique Outre-mer en guise de substitution préfigurent ce qui peut se passer ailleurs dans quelques années, en régions, en stations et même au siège.
Cette transition aura valeur d’exemple. Elle ne peut se construire sur la démagogie et le renoncement. Ce serait un bien mauvais service à rendre à l’ensemble des salariés que de troquer baisse de l’exigence de qualité contre consentement au changement.
Paris, le 28 août 2019