Depuis les premiers jours de la baisse d’activité liée à la crise sanitaire, mi-mars, le SNJ exige la mise en place d’un dispositif de soutien aux salariés non-permanents. Après des semaines de tergiversations, la direction a proposé le jeudi 7 mai aux quatre syndicats représentatifs sur l’ensemble de l’entreprise (SNJ, CFDT, CGT et FO) la négociation d’un accord sur « un fonds de soutien solidaire » qui pourrait entrer en vigueur dès le lundi 11 mai.
Au cours de la négociation, la direction a affirmé ne pas avoir les moyens financiers pour assumer seule ce fonds de soutien, et propose donc un principe de « vases communicants » : ce qu’on pourra prendre aux salariés CDI d’un côté (annulation de jours de congés, dons de jours de RTT, ou limitation du compte épargne-temps) serait reversé sous forme monétaire à certains salariés non-permanents.
La direction propose de rendre éligibles à ce fonds de soutien les CDD ayant travaillé au moins 45 jours entre le 1er novembre 2019 et le 29 février 2020, ainsi que les intermittents, pigistes et cachetiers ayant travaillé 30 jours sur cette période.
Si nous estimons urgent d’instaurer un dispositif de soutien à nos collègues non-permanents, son financement doit être solide, il ne peut pas reposer en partie sur des « promesses de dons » ! Rappelons que Radio France a mis en place dès le 20 mars, et sans contrepartie, un dispositif de soutien large et précis pour ses CDD, pigistes et intermittents. France Médias Monde (RFI, France 24) et Arte ont rapidement suivi, avec des dispositifs proches.
Mais à France Télévisions, de loin le plus gros budget de l’audiovisuel public, ce serait impossible : on « n’a pas les moyens ». Pourtant, d’après les chiffres avancés par la direction, prendre entièrement en charge ce fonds de soutien jusqu’à la fin du mois d’août coûterait 9 millions d’euros, soit moins de 0,5 % du budget annuel de France Télévisions ! Un budget 2020 qui prévoit d’ailleurs une ligne spécifique pour les salaires des non-permanents.
Mais non, selon la direction, France Télévisions « n’a pas les moyens » d’assumer la totalité de ce fonds de soutien. On se demande bien d’où sort le chèque de 20 millions d’euros destiné à des sociétés de production privées, et qui n’était pas prévu dans le budget 2020 ? Un chèque visiblement débloqué sans la moindre difficulté, et annoncé comme un « effort exceptionnel » le 29 avril par la présidente (et candidate à sa propre succession) de France Télévisions.
Et il serait impossible de faire un effort exceptionnel pour les pigistes, CDD et intermittents durement touchés par la crise sanitaire et économique ? La direction de France Télévisions essaie de déléguer une partie de sa responsabilité sociale à ses salariés permanents !
Nous ne doutons pas de la générosité de ces derniers, d’ailleurs certains se sont déjà organisés pour aider les non-permanents, à travers des cagnottes en ligne par exemple. Mais se lancer dans un financement participatif aléatoire, est-ce digne d’un employeur dont le chiffre d’affaires dépassait les 3 milliards d’euros en 2018 ? Rappelons encore une fois que France Télévisions n’utilise pas le système de « chômage partiel » qui permettrait notamment d’indemniser ses pigistes.
Le SNJ demande la mise en place immédiate, dès le mois de mai, de ce dispositif de soutien dont les modalités peuvent encore être améliorées. Mais son financement doit être assumé par la direction, il en va de sa responsabilité.
Le SNJ considère par ailleurs qu’il est de la responsabilité des organisations syndicales, dans la période exceptionnelle que nous vivons, d’accepter de négocier des ajustements exceptionnels à certains aspects de nos accords collectifs. Ces ajustements, qui auraient une portée collective et limitée dans le temps, pourraient par exemple concerner les modalités du compte épargne-temps (CET) ou encore la NAO (négociation annuelle obligatoire sur les salaires).
Nous l’avons annoncé lors de la réunion du 7 mai, nous sommes prêts à nous y engager, dans l’intérêt de France Télévisions. Mais ces ajustements doivent être négociés indépendamment du fonds de soutien aux salariés non-permanents, dont le financement revient à l’employeur. Cette confusion des genres n’est pas souhaitable.
Paris, le 11 mai 2020