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AA lettrine articlesL’horreur venait de frapper dans les locaux de Charlie Hebdo. Dans l’ensemble des rédactions, les dépêches et les flashes annoncent déjà un attentat sans précédent et le Parquet de Paris fait état d’au moins 10 morts. Ces informations sont connues (et diffusées dès midi sur l’antenne de France 3 Ile-de-France) quand s’ouvre le journal national de la mi-journée sur France 3. Et quoi ? Des titres déroulés comme si de rien n’était : on commence par « Soldes d’hiver, prix doux » pour terminer par les « Baignades d’hiver » et la météo…

Au bout de l’improbable, enfin, sous la classique formule « on l’a appris juste avant ce journal », voilà enfin qu’on parle de l’horreur du jour. Une consœur en direct au téléphone nous raconte brièvement les faits… et on s’arrête là, on passe vite à autre chose. Le journal reprend son cours, comme annoncé par les titres. Inexorablement, l’impensable se déroule sous nos yeux et ceux de nos téléspectateurs. Il faudra plus d’un quart d’heure pour que l’information soit à nouveau abordée dans le journal, avec images, témoignages et interventions en direct de l’envoyée spéciale de la rédaction.

Oui, le 12/13 national a choisi de passer à côté de cet événement tragique.
Le mois dernier, déjà, la même édition avait traité l’attaque d’une école au Pakistan et son bilan terrible (141 morts) avec une « brève », un simple « off ». Un choix incompréhensible qui avait fait sortir de sa réserve le directeur de l’information, lors du Comité Central d’Entreprise qui s’était tenu le jour même. Quel regard portent aujourd’hui nos concitoyens sur ces éditions du Service Public où la hiérarchie de l’information n’a plus aucun sens ?

Alors devant l’indignation collective suscitée par ce journal du 7 janvier, indignation ressentie dans l’ensemble des rédactions de France 3, le SNJ demande au directeur de l’information d’établir les responsabilités qui ont conduit à cette faillite. Nous devons en tirer toutes les conséquences éditoriales et structurelles pour ne pas laisser ces erreurs se répéter indéfiniment, sans remise en question d’une certaine « grille de lecture » de l’actualité qui fait perdre toute dignité à ces éditions. Il en va aussi de la crédibilité d’une rédaction qui souffre déjà d’un manque de débat éditorial depuis des années. Notre rôle d’organisation syndicale de journalistes est de rappeler ce que sont les fondamentaux de notre profession, trop souvent oubliés à la rédaction nationale de France 3.

Nous le faisons ici, une fois de plus, dans un moment grave pour notre pays et pour la liberté de la presse. Le délai de décence nous a amené à ne pas réagir plus tôt, mais le temps est venu pour la direction des rédactions nationales de prendre la mesure de ces égarements.

Paris, le 08 janvier 2015

2015-01-08 L’impensable hiérarchie de l’info