Cette fois ils y sont. Les fossoyeurs des rédactions nationales ont terminé de creuser notre tombe et trépignent d’impatience en attendant la «news factory ». Le comité de pilotage Info 2015 a, secrètement, rendu ses conclusions. Des préconisations révoltantes que le SNJ dévoile dès aujourd’hui, refusant de voir le travail des journalistes broyé par des gestionnaires cyniques.
Tout est prévu, tout est écrit. La fusion de tous les services sans exception, avec la création de deux nouveaux (Hard News (sic !) et Investigation). Des conférences de rédaction communes (12/13 avec le 13h, 19/20 avec le 20h), des reportages communs, un traitement de l’info sur plusieurs chaînes mais dans les mains d’une seule équipe. En cas de scoop ou d’exclusivité, FTV Info aurait systématiquement « la primeur ».
Dans ce document, c’est souvent la surenchère entre apprentis-sorciers : on rêve de créer un « nouveau métier », appelé deskeur-monteur et destiné à fabriquer des sujets d’une minute ! Sans oublier les mutations de journalistes parisiens qu’il faut « redéployer » dans les bureaux régionaux. Ceci n’est qu’une petite partie de leurs « projets ». Des visions managériales indécentes, élaborées en catimini. Rappelons que les personnels concernés ont déjà rejeté, lors d’un vote massif, l’idée d’une fusion des rédactions.
Aujourd’hui notre avenir serait entre les mains de collaborateurs très zélés qui voient la fusion comme une aubaine pour « booster » leurs carrières. Dès la deuxième page de ce document, ils avouent eux-mêmes que depuis quelques années, donc depuis qu’ils sont aux affaires, « les contenus des JT de France 2 et France 3 se sont rapprochés ». Et il faudrait leur faire confiance, croire qu’une fusion va aider à « l’affirmation plus forte des identités » ?
Soyons sérieux, et tentons de comprendre leurs réelles motivations. Emplois en moins, hélas c’est écrit… mais au regard des organisations proposées, nous voyons surtout des reporters en moins et des postes de cadres en plus. Il y aura donc beaucoup de contremaîtres dans cette usine d’infos, cette news factory qu’ils préparent.
Éditorialement rien encore, à part le service « Economie et Social » rebaptisé « Economie et Consommation », en creux tout un programme… Sur les reportages, quelques hypothèses autour d’un sujet imaginé déclinable sous toutes les coutures. L’exemple : une actualité à Pontarlier. L’équipe régionale arrive sur place : hop, avant de tourner pour son JT on envoie une photo sur Twitter (les journalistes seront désignés
« référents Twitter » à tour de rôle, et donc obligés de s’y abonner). Puis entre deux séquences de tournage, quelques lignes sur FTV Info, hop, et puis la rédaction fusionnée qui envoie une équipe pour réaliser un « Grand Format » pour le soir, jusqu’à 12 minutes dans la journée, etc…
Enfin un peu de management et d’hypocrisie pour saupoudrer la chose. Il faudrait faire oublier aux salariés le mot fusion, à la connotation péjorative, alors que le PDG lui-même l’utilise devant les députés ! (audition à l’Assemblée, le 20 novembre dernier). Il faudrait créer des ateliers mélangeant managers, partenaires sociaux et salariés… mais ce nuage de fumée ne doit pas empêcher de « garder la main sur le projet et la communication sur le projet » ! Des classiques que l’on peut trouver dans les bons ouvrages de management, genre « Imposer et faire accepter le changement » ou encore « Si t’es pas content, tu vas l’être » ou enfin « Comment contourner les syndicats en dix leçons ? »
Mais pourquoi fusionner, pourquoi se priver de cultures et de méthodes de travail différentes, pourquoi détruire sans autre ambition que de faire des économies ? (et encore, c’est une hypothèse car rien n’est chiffré dans ces documents). Le SNJ ne cautionnera pas la casse des rédactions sous couvert d’en garder une seule. Une régression éditoriale sans précédent à France Télévisions. Le SNJ demande, dans un premier temps, la transparence vis-à-vis des salariés et donc la diffusion des préconisations du comité de pilotage info 2015. Le SNJ exige qu’aucun projet ne soit mis en route sans la consultation complète et loyale des instances représentatives du personnel. Aucune fusion de services ne doit être inscrite à l’ordre du jour de CE ou de CHSCT.
Et en tout état de cause ces préconisations qui seraient arbitrées par Thierry Thuillier confirment bien la nature brutale et dangereuse du projet Info 2015. Il est donc temps de s’arrêter là.
Paris, le 2 décembre 2013
Le SNJ publie ici les conclusions secrètes du comité de pilotage de la direction :
Info-2015-RestitutionFinale_Groupe