LETTRE OUVERTE A M. LAURENT GUIMIER
Monsieur le directeur,
En obligeant des journalistes spécialisés ou grands reporters à participer à des stages de quasi-débutants, vous assurez vouloir travailler en faveur de l’égalité pour tous les journalistes de la rédaction nationale. Mais par cette affirmation, vous reconnaissez implicitement l’existence d’une rédaction à deux vitesses, et donc de castings pour ne pas dire d’une politique discriminatoire.
En vous fixant comme objectif un changement de culture et une meilleure articulation entre services et éditions, vous confirmez en filigrane, l’existence d’un management pyramidal qui existe depuis de trop nombreuses années, sur lequel nous ne cessons de vous alerter, en particulier au sujet du 20h de France 2.
En identifiant des journalistes et en les désignant pour ces formations (ils sont au nombre de 8), parfois sans concertation ni information préalable, vous leur signifiez finalement et officiellement qu’ils ne font pas partie du casting, ce qui a le mérite de sortir du « non dit » mais qui est une démarche particulièrement stigmatisante.
En précisant que ces stages doivent leur permettre d’être plus à l’aise dans l’organisation, le montage et l’écriture de leurs sujets, même en situation d’urgence, avec un rappel des règles sur le tournage en séquences, vous détaillez par là-même des compétences normalement acquises en école de journalisme. Des objectifs qui peuvent être humiliants pour des salariés expérimentés.
En indiquant vouloir ainsi « améliorer leur employabilité », afin d’être davantage sollicités au quotidien et d’être mieux considérés et insérés dans la rédaction, vous admettez que dans un contexte de baisse des effectifs avec la Rupture Conventionnelle Collective, la charge de travail pèse essentiellement sur les épaules d’un nombre limité de journalistes.
En ajoutant que ces formations obligatoires dans le cadre du plan de développement des compétences, visent à adapter les salariés à leur poste de travail, vous insinuez donc qu’ils ne sont pas en phase avec des missions qu’ils exercent pourtant depuis de nombreuses années. C’est particulièrement choquant !
En concluant par le fait qu’un salarié ne saurait refuser de suivre ces formations parce qu’elles constituent « une modalité particulière d’exécution de son contrat de travail qui peut-être assimilée à l’exécution d’une mission professionnelle », vous sous-entendez clairement qu’un refus peut-être considéré comme une faute professionnelle.
En résumé, vos arguments sont clairs : ce sont les journalistes qui doivent s’adapter au formatage de certaines éditions, en particulier au 20h. En aucune manière, vous ne remettez en cause une hiérarchie autoritaire qui demande de multiples corrections sur les sujets, comme un enseignant à ses élèves, en éludant le débat éditorial. Jamais, vous ne pointez la faute qui consiste à mettre des salariés expérimentés sur la touche. Vous tentez de nous persuader de votre bonne volonté, mais comme le disait en substance un grand écrivain qui était aussi journaliste, celle-ci peut faire d’énormes dégats si elle n’est pas éclairée. Et c’est malheureusement le cas à la rédaction nationale.
Le SNJ sera bien évidemment aux côtés des journalistes qui ont refusé ces « formations ». Nous vous demandons de vous attaquer aux véritables racines du mal, autrement dit au management pyramidal, et non aux salariés qui en sont les victimes.
Paris, le 31 mai 2022