C’est peu de dire que nous sommes déçus. Au terme d’une lecture attentive de la centaine de pages du projet de chaîne d’information, le SNJ est au regret de constater que sur le fond comme sur la forme ce chantier est mal parti.
Sur le fond d’abord. Si le dossier technique est épais, le projet éditorial est lui des plus minces. Quelques banalités sur les nouveaux usages, deux, trois lieux communs sur les attentes supposées de la jeunesse et surtout une adhésion béate au culte du “participatif”.
Où est la différence avec les chaînes d’info privées existantes ? En quoi consiste la plus-value du service public s’il s’agit d’être à l’écoute des rumeurs de la toile et à la remorque du buzz ? Une ligne éditoriale se définit avec une boussole qui indique un cap, pas avec une girouette.
Non, tous les citoyens ne sont pas des producteurs d’information !
Non, l’accumulation des micros-trottoirs ne remplacera jamais de véritables enquêtes !
Non, les plateaux en situation ne peuvent pas tenir lieu de reportages !
Non, le pillage des rushes des journalistes des régions ou des territoires ultra-marins n’est pas un projet éditorial !
Le SNJ refuse ce mode dégradé d’exercice du journalisme que la direction veut imposer aux rédactions de l’entreprise dans la continuité du projet de news factory, Info 2015.
Les journalistes sont des auteurs salariés, pas des producteurs d’éléments.
Il est symptomatique que ce projet ne fasse pas référence à l’accord groupe sur les droits d’auteurs qui définit les conditions de réutilisation des reportages et rushes des journalistes de France Télévisions.
Mal parti sur le fond, ce projet pêche aussi sur la forme.
Comment France Télévisons peut-elle décemment proposer de concevoir une nouvelle chaîne de service public avec en tout et pour tout deux emplois de monteurs alors que l’essentiel des montages serait confié à 32 journalistes apprentis-monteurs ?
Cette idée est mauvaise. D’abord parce que le recours à des monteurs professionnels est un gage de qualité, ensuite parce que lorsqu’un journaliste est accaparé par des tâches techniques, il ne peut se consacrer à l’éditorial.
Dans cette confusion des métiers, il n’y aurait que des perdants. Sur le périmètre du Siège d’abord, en région et Outre mer ensuite.
Ce chantier est mal parti parce que la méthode employée par la direction n’est pas loyale.
Il n’est pas loyal d’envisager une telle transformation de notre organisation sans passer par la case négociation avec les organisations syndicales. Or, le mot “négociation” n’est pas employé dans ce projet. La direction évoque seulement des “discussions” dans un espace métiers qui n’est pas le cadre approprié. Nous ne laisserons pas s’installer sauvagement une organisation du travail qui serait contraire aux dispositions de l’accord collectif signé en mai 2013.
Autre exemple de déloyauté : l’emploi répété du terme de “rédaction nationale” au singulier alors que l’ensemble du plan d’info 2015 n’a pas été présenté aux instances représentatives de l’entreprise et que son premier volet fait toujours l’objet d’une procédure en justice.
Notre déception est à la hauteur de nos attentes parce que le SNJ a toujours été favorable à la création d’une chaîne d’information de service public mais pas à n’importe quel prix. Il est encore temps pour la direction de revoir cette copie en tenant compte des avis des représentants des salariés. Il lui appartient de démontrer que cet exercice n’est pas que de pure forme.
Paris, le 15 janvier 2016