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Préalable SNJ au CSE Siège du 18 octobre 2023

À qui appartient France Télévisions ? En quoi est-ce encore un service public ? Confisqué par quelques-uns, il ne nous reste, projet après projet, décision après décision, que nos yeux pour pleurer.

S’opposer pour s’opposer serait bien réducteur, même si la présidente essaye souvent d’enfermer les prises de position du SNJ dans ce registre du tout simplement “jamais content”.

Comment ne pas réagir, par exemple, à ce choix pathétique de nommer notre Siège, du nom d’un des anciens présidents de France Télévisions au CV peu flatteur pendant cette période ? Poussé à la démission, il laissera une expression en héritage, celle des “voleurs de patates” tant il avait favorisé des animateurs producteurs qui n’avaient plus qu’à se gaver d’argent public. Un homme dont la carrière de journaliste mériterait qu’on s’y arrête longtemps pour réellement la définir, et qui termina comme conseiller de Vincent Bolloré, l’ennemi de la liberté de la presse et de France Télévisions.

Qui a donc eu alors cette idée folle de nous asséner cette image si douloureuse d’un président de la République – actionnaire, venu parader au cœur de nos rédactions qui se battent perpétuellement pour garder leur indépendance ? Madame Ernotte ou Monsieur Macron ? Les deux ? Peu importe, la faute est là, tache indélébile au-delà d’une plaque commémorative qui peut-être un jour ornera l’une des façades de notre Siège, la Maison France Télévisions.

À qui appartient France Télévisions ?, demandions-nous donc. Le projet Tempo devenu « Ici » pose à lui seul cette question. Petit à petit, semaine après semaine, cette lubie, cette régionalisation low cost, cet imbroglio éditorial, fait de plus en plus de dégâts.

Les organisations syndicales du réseau régional sont engagées dans une saisine, peut être avant la grève, pour dénoncer les manques de moyens pour remplir notre mission de service public dans les 24 antennes régionales.

Notre section SNJ de Picardie vient de communiquer autour de la grande désillusion que génère « Ici » chez celles et ceux qui y croyaient ne serait-ce qu’un peu. Les présentateurs, les scriptes, les chefs d’édition, les journalistes de terrain craquent en régions sans comprendre en prime le sens de ces journaux, des canards sans tête en quelque sorte. Une confusion totale qui bafoue toutes les règles de la hiérarchie de l’information, qui abime même tout simplement le traitement de l’information, face aux déséquilibres du monde… Et ce n’est pas, bien sûr, la qualité des uns et des autres qui est en cause, c’est l’objet même, cet « Ici » lunaire qui, à l’inverse des alchimistes de légende, transforme l’or en plomb. Et nous devons ce triste miracle inversé à quelques-uns, qui pensent que le pouvoir, c’est décider sans concerter, sans écouter, sans jamais reconnaitre ses erreurs… et pour cause, ces gens-là ne se trompent jamais, pensent-ils tout haut.

Ce fameux sens de l’histoire, comme ils disent quand les mots manquent. Et pendant que nos antennes régionales souffrent, comme en miroir, une partie de la rédaction nationale perd sans bruit son envie, son sens professionnel, obligée qu’elle est de ne plus traiter certains sujets que France 3 mettait encore, il y a peu, à l’antenne. Un coup de canif dans le pluralisme que les éditions de France 2 n’arrivent pas à contrebalancer, loin de là. Les oubliés de la réforme errent dans les couloirs devenus fantômes, là où palpitait encore le cœur de l’information nationale pour ces ex-bleus qu’on a fait taire définitivement.

Un effacement qui n’est pas terminé. À la manœuvre, toujours les mêmes, celles et ceux qui font de notre entreprise leur jouet, en dépit de toutes les alertes, et de tous les risques psychosociaux qui ne sont pas des incantations, mais déjà des faits avérés.

Alors à qui appartient France Télévisions, quand on voit que déjà se prépare une nouvelle phase destructrice ? Fusion des rédactions nationales, disparition des éditions nationales de la 3, et bientôt fusion des rédactions régionales avec France Bleu. En 10 ans, ce petit carré VIP avance, au volant d’un bulldozer, sourire aux lèvres, au nom de l’intérêt suprême, celui dicté par l’actionnaire, par les tutelles. La servilité en d’autres mots.

Et ne croyez surtout pas aux balivernes budgétaires qui laissent croire que nous serions à l’abri pour cinq ans. Non seulement les budgets avancés ne compensent pas les coupes claires subies depuis 10 ans, mais en plus il nous est demandé des contreparties. Une part variable liée aux transformations, comme on dit pudiquement. Renégociation de l’accord collectif, accélération des polyvalences, et qui sait en cerise sur le gâteau, un nouveau plan de départ.

Ils imaginent donc, à travers ces quelques exemples, que France Télévisions leur appartient. Celles et ceux qui, sans discontinuer depuis des années, pensent avoir trouvé la martingale du changement, sans se soucier de nous. Il n’est jamais trop tard pour inverser la tendance, c’est une question de fierté, une question de survie professionnelle et personnelle. Pensez-y, les occasions de refuser cette fatalité vont être nombreuses ces prochains mois. Cette entreprise est, avant toute chose, la nôtre et celle de notre public, le principal actionnaire.

Paris, le 18 octobre 2023